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Essais historiques


Dossier sur les éminences grises

 
« Les hommes de l’ombre » les appelle-t-on souvent, figures incertaines qui sont censées tirer les ficelles d’hommes faibles ou de pantins qui occupent le pouvoir dans la lumière de la notoriété. La réalité est plus complexe qui mélange ceux les époques, quand des favorites profitaient de leurs charmes pour grignoter quelques parcelles de pouvoir ou l’exercer au nom d’un monarque. 
 
 
 
 
 
Nous verrons ce qu’il en a été à travers trois figures emblématiques de cette forme de pouvoir, la vision de l'État d’une « Dame de beauté » face à la faiblesse royale, l’ascendant exercé par des femmes comme la marquise de Pompadour ou madame de Maintenon. 
 
Cette notion est affaire d’époque puisque on n’évoque cette forme d’action politique, ce jeu d’ombre et de lumière entre le souverain et son inspirateur qu’à compter du XVIe siècle. Au pouvoir officiel d’un Richelieu répond celui plus feutré du Père Joseph dont Aldous Huxley a écrit une superbe biographie, [1] à la pusillanimité d’hommes comme Louis XVI manipulé par le charme d’un Beaumarchais ou le maréchal Pétain avec le rôle souterrain du docteur Ménétrel  et des représentants de La Cagoule.
    
File:Kardinaal de Richelieu.jpg
Triple portrait de Richelieu par Philippe de Champaigne
 
 Il existe rarement de pouvoir absolu où un despote tire tous les fils du pouvoir, un Staline qui ne saurait souffrir aucune influence, la nébuleuse des conseillers se développe à mesure que les carences du pouvoir menacent le pouvoir lui-même ou pour accompagner des  évolutions sociétales comme Giordano Bruno aux côtés des rois Henri  III puis Henri  IV qui joua l’émissaire officieux et fut un élément moteur de la lutte religieuse.
 
Le pouvoir occulte des groupes est d’une autre nature, –l’action de puissants lobbies comme on dirait maintenant- s’insinuant dans le pouvoir officiel pour mieux le manipuler, l’amener à leurs vues et à leurs objectifs et si, quelles qu’en soient les raisons, Philippe le Bel finit par résoudre avec ses méthodes personnelles l’influence des Templiers, un groupe d’influence comme les Jésuites a certainement eu un rôle moteur dans les changements de la politique française du Roi-Soleil dans la rupture avec la Hollande, la révocation de l’édit de Nantes et la calamiteuse guerre de succession d’Espagne à la fin du règne.    
 
   Image illustrative de l'article Compagnie de Jésus
Ignace de Loyala, fondateur des Jésuites                   Leur emblème
 
Une éminence grise est plutôt un individu qui est un conseiller occulte qui pèse sur les décisions importantes, imprime sa marque à l’action politique,  dont on connaît parfois néanmoins le rôle décisif comme les « grandes favorites » ou un « homme du sérail, » homme de réseau qui connaît fort bien les rouages du pouvoir et les hommes qui l’incarnent. 
 
Les périodes troubles sont bien sûr favorables à l’émergence de tels personnages qui peuvent endosser les deux costumes, homme sur le devant de la scène quand ils sont au pouvoir et hommes de l’ombre quand ils pèsent sur le pouvoir même quand ils l’ont quitté, un Pierre Laval par exemple peut être rangé dans cette catégorie, ou au siècle précédent des  hommes comme Talleyrand , Fouché ou même un Benjamin Constant avec qui Napoléon compose pendant les Cent-Jours pour élaborer une constitution consensuelle.
 
L’envers du décor, c’est que leur pouvoir dépend du Prince, qu’ils peuvent perdre sa faveur, disparaître avec leur bienfaiteur à l’occasion d’un changement de pouvoir. De plus cette notion a largement évolué dans les sociétés modernes où les éminences grises contemporaines jouent un rôle d’une autre nature avec des hommes aussi différents que Pierre Juillet pour Georges Pompidou ou François de Grossouvre pour François Mitterrand.

Certain d'entre eux ont eu une influence particulièrement marquante sur des événements importants comme St. John Philby qui négocie pour Ibn-Séoud la frontière entre l'Arabie saoudite et le Yémen dans les années 1936-37, Jean Jardin qui établit la liaison avec le gouvernement provisoire d'Alger et les Américains en 1942-43, Harry Hopkins qui convainquit Roosevelt d'engager les États-Unis dans la guerre en 1941, Egon Bahr qui dirige l'Ostpolitik du Chancelier Willy Brandt dans les années 1969-74 ou Alexandr Iakovlev qui jouera un rôle décisif auprès de Mikhaïl Gorbatchev dans la recomposition du système soviétique entre 1986 et 1989.
 
Quelques "éminences grises" contemporaines
 
Dans l'histoire contemporaine, on considère surtout les hommes qui ont une grande influence sur les décisions importantes prises par les dirigeants politiques et qui sont en général peu connus du grand public. On peut citer -entre autres- le colonel House auprès du Président Woodrow Wilson, Harry Hopkins auprès du Président Franklin Delano Roosevelt, Jean Jardin auprès de Pierre Laval, Marie-France Garaud et Pierre Juillet auprès de Georges Pompidou, puis de Jacques Chirac, Alexandr Iakovlev auprès de Mikhaïl Gorbatchev, Martin Bormann auprès de Adolf Hitler. Certains peuvent même sortir de l'ombre comme par exemple Henry Kissinger, conseiller du Président Richard Nixon, qui sortit de l'ombre quand il devint Secrétaire d'État en 1973.

  Le père Joseph, première éminence grise

 Cette expression d'Éminence grise fut employée la première fois pour désigner  Joseph François Leclerc du Tremblay (1577-1638) surnommé le Père Joseph, le conseiller de Richelieu qui reste dans l'ombre, Éminence Grise étant capucin et de ce fait portant une robe de bure grise. Peu avant de mourir, il fut fait cardinal, ayant alors droit à la distinction d'éminence. Il joua en particulier un rôle essentiel dans la dernière période de la Guerre de Trente Ans, provoquant l'intervention de la Suède.
 
 

Le père Joseph et Richelieu

 

François Joseph Le Clerc du Trembley est le personnage en retrait du « triumvira » qui dirigea la France sous Louis XIII, avec le roi et son fidèle Richelieu. Il fut l’ombre de Richelieu, son double quand le Cardinal ne pouvait agir dans l’ombre. Ils se connurent très tôt, le frère Joseph ayant fondé dans l’ouest une congrégation baptisée les bénédictines du Calvaire, rencontre le jeune évêque de Luçon Armand de Richelieu. Immédiatement, le courant passe entre les eux hommes et après une mission réussie à Rome, le pape Paul V dira avec admiration du capucin : « Je ne connais pas d’homme plus propre aux grandes affaires. »

 

On se demande souvent comment Richelieu a pu constituer cet imposant réseau de renseignements couvrant l’Europe et ce non moins important réseau intérieur d’espions qui lui permit de déjouer tous les complots dont il fut victime, dirigés le plus souvent par Marie de Médicis, la mère du roi, et son frère Gaston d’Orléans, ourdi par l’inquiétante duchesse de Chevreuse. La réponse est dans l’action du père Joseph, véritable double du cardinal qui, avec un autre capucin le frère Athanase tissent les complicités et achètent les consciences.

 

Il va donner toute sa mesure pendant la guerre de 30 ans (1618-1648), se rend à Ratisbonne, négocie avec Gustave Adolphe le roi de Suède une contribution financière de 600.000 livres contre les troupes promises qu’on ne peut fournir, compromet le généralissime adverse qui sera démis de son commandement puis assassiné, sème le trouble dans les rangs ennemis, chez les Bavarois, fait honte aux électeurs catholiques de servir l’ennemi, au point que l’empereur germanique Ferdinand II dira en pensant au père Joseph : « c’est un pauvre capucin qui vous a battus. »

 

En Italie, il fera aussi bien, atteignant l’objectif de mettre sur le trône du duché de Mantoue Charles de Gonzague, duc de Nevers, tout en désengageant l’armée française de ce guêpier. On peut dire qu’il y a dans cet homme la trempe et le savoir-faire d’un Talleyrand au congrès de Vienne. C’est encore lui qui redonnera le moral à Richelieu après l’invasion de la Picardie par l’armée espagnole et, la santé du Cardinal déclinant, il convint le roi de le choisir comme successeur. Mais le père Joseph mourra finalement avant le Cardinal le 18 décembre 1638 dans les bras de son ami et Louis XIII très affecté par sa disparition, s’exclamera : « Je perds aujourd’hui le plus fidèle de tous mes serviteurs. »

 
           Gérôme_Eminence_grise.jpg

 François Leclerc du Tremblay dit le père Joseph --  Tableau de Gérôme
 
Trois favorites, femmes de pouvoir
 

Agnès Sorel, la « dame de Beauté »

 

    Agnès Sorel la "dame de Beauté"

 

Le roi Charles VII en avait fait la première maîtresse officielle de l’histoire de France. On la disait femme de cœur aussi bien que de tête, elle prit rapidement l’ascendant sur ce roi si timoré qu’il lui répugnait de prendre des décisions, au point que l’on parlerait d’aboulie.

 

Il est pourrait-on dire » un homme à femmes, » il s’est libéré de l’ambiance délétère de la cour grâce à sa belle-mère Yolande d’Aragon et il a libéré son royaume des anglais grâce à Jeanne d’Arc. Si l’on en croit ses contemporains ou le tableau de Fouquet La vierge à l’enfant, sa beauté n’est pas usurpée. Charles VII en tombe immédiatement amoureux et l’impose dans la suite de la reine Marie d’Anjou. Elle finira par céder aux instances du roi et lui donnera trois filles qu’il légitimera. Ses premières actions seront de d’éloigner les favoris qui flattent l’apathie du roi et les remplace par des hommes comme Pierre de Brézé et le financier Jacques Cœur.  

 

Ce sera sa favorite Agnès Sorel à qui il offrira le château de Beauté-sur-Marne, qui prendra le relais et finira en quelque sorte ce que Jeanne d’Arc avait commencé en incitant fortement le roi à lancer une campagne militaire pour reprend la Normandie à l’anglais. Pour parvenir à ses fins, elle fait croire au roi qu’un astrologue lui a prédit qu’un roi brave et courageux l’aimerait et que, vu son comportement, ce ne pouvait être le roi de France mais bien plutôt celui d’Angleterre. Stupeur et terreur du roi qui se résolut à réagir et à aller reconquérir la Normandie. Elle l’incitera aussi à instaurer un gouvernement régulier qui puisse assurer un véritable suivi des affaires publiques.

 

Madame de Maintenon ombre du Roi-Soleil

 

  Madame de Maintenon

 

Destin curieux que celui de cette femme petite-fille d’Agrippa d’Aubigné, comme père un aventurier douteux, comme mari un poète comique Scarron affligé d’une maladie de peau puis chargée de l’éducation des bâtards de Louis XIV. Elle va régner 32 ans sur le cœur du roi. Il faut dire qu’après 1683, quand le roi l’épouse après le décès de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, les guerres à répétition sont de plus en plus dures à supporter, le climat de la cour est lourd après que la belle Athénaïs, la marquise de Montespan se fût compromise dans un énorme scandale qui touche des gens en vue. Louis XIV veut se repentir de sa légèreté et de sa vie dissolue entre ses bâtards et ses maîtresses.

 

Elle est plus une inspiratrice et, même si elle est l’amie du père Tellier et du père La Chaise, confesseurs du roi, elle sait écrit-elle que « l’on ne  sera jamais neutre avec ces gens-là. » Elle s’intéresse plutôt aux démarches secrètes, en coulisses, constitue peu à peu un réseau d’amitiés et d’obligés. Son pouvoir s’accroît à partir de 1701 quand l’Europe se coalise contre la France, qu’elle assiste aux discussions avec les ministres et que le roi lui demande « Qu’en pense votre Solidité ? »  Le caractère mal commode du roi, qui ne s’améliore pas avec les années et les malheurs de la fin du règne, l’incite à beaucoup de prudence, disant par exemple à une dame de la cour : « Ne vous mettez pas sur le pied de tout demander et d’accoutumer le roi à vous refuser. »

En fait, elle connaît fort bien son pouvoir et ses limites.

 

La marquise de Pompadour, au-delà de la favorite

 

File:François Boucher 019 (Madame de Pompadour).jpg   La marquise de Pompadou

 

Femme de pouvoir, elle mettra Louis XV sous son charme, [2] restera jusqu’à sa mort son amie et sa confidente mais sera aussi la cible de la famille royale, en butte plusieurs cabales. Elle est loin d’être la pâle roturière avide qu’on a pu décrire mais est issue de la bourgeoisie parisienne dont la famille est liée aux grands financiers Pâris-Montmartel et Pâris-Duverney et fréquentait dans sa jeunesse les salons huppés de madame  Géoffroy et madame de Tencin.

 

Elle « règnera » pendant vingt ans de 1745 à 1764, sachant placer ses amis et es protégés, fera son frère Abel Poisson, marquis de Marigny, l’abbé de Bernis secrétaire d’état aux affaires étrangères puis cardinal ou le duc de Choiseul premier ministre de 175è à 1770. Son pouvoir de nuisance est aussi considérable, témoins ceux qu’elle fera renvoyer comme Orry le contrôleur des finances, Machault d’Arnouville le garde des Sceaux ou le comte de Maurepas.

 

Elle joue un rôle important en politique étrangère, réalisant un renversement d’alliances en 1756 entre la France et l’Autriche. Comme l’écrit Starhemberg au chancelier Kaunitz à propos de la marquise, « il est certain que c’est à elle que nous devons tout et que c’est d’elle que nous devrons tout attendre pour l’avenir. » Dans le domaine des arts, elle a favorisé la difficile parution de L’Encyclopédie, épaulant aussi de tout son poids Rousseau et Voltaire, aidant ce dernier dans l’affaire Calas.

 

Beaumarchais, « barbouze » de Louis XVI

 

Si Pierre Augustin Caron de Beaumarchais est surtout connu comme auteur dramatique à succès, sa vie a été aussi consacrée à la politique et aux intrigues. Ses débuts ne sont guère brillants, chassant les libelles contre la royauté et allant négocier jusqu’en Angleterre avec leurs auteurs, les poursuivant –selon ses dires- jusqu’à Nuremberg à l’issue d’une aventure rocambolesque. N’empêche, il a désormais la confiance de Louis XVI et même de Sartine, le chef de la police. [3]

 

A Londres, il organise son petit réseau privé avec la belle madame de Godeville et, mieux renseigné que l’ambassadeur de France, apprend les graves dissensions existant entre le roi Georges III et les « treize colonies américaines. » Il voit immédiatement le parti que la France pourrait en tirer et rend compte sans délais à Versailles, écrivant que « l’Angleterre est dans un tel désordre… qu’elle toucherait presque à sa ruine si ses voisins et rivaux étaient eux-mêmes en état de s’en occuper sérieusement. » [4] S’engager auprès des insurgés comme le suggère Beaumarchais, Louis XVI y répugne encore malgré les avantages économiques escomptés et la préservation des colonies antillaises.

 

Sous couverture commerciale, il met sur pied une organisation, loue des bateaux, achète des armes  à l’arsenal du Château-Trompette à Bordeaux avec les  deux millions de livres octroyés par le roi mais la flottille est r par la vigilance des espions anglais et la reculade de Vergennes. Beaumarchais ne se laisse pas abattre, se réorganise et la flottille arrive enfin à destination au printemps 1777, une vraie aubaine pour des américains à court d’armement. Durant deux ans, il fera passer aux insurgés des milliers de fusils, de boulets, de canons… jusqu’à ce que la France prennent le relais et entre en guerre contre l’Angleterre.

 

Le plus ironique est que, lassé du comportement parfois arrogant de Beaumarchais et du succès de sa pièce Le mariage de Figaro, Louis XVI le fit boucler à la prison Saint-Lazare.

 

              Description de cette image, également commentée ci-après
Beaumarchais, sa statue à Paris, son portrait par Nattier

 

Pétain et Ménétrel, le maréchal et le docteur

 

Le docteur Ménétrel fut pour Pétain tout à la fois son médecin bien sûr mais aussi son secrétaire particulier et son confident. Un homme double, boute-en-train, curieux de tout mais d’un antisémitisme virulent. [5]

                                                     

Homme assez insaisissable, russophile et anti soviétique, qui n’aimait ni les Allemands, ni Pierre Laval qu’il aurait volontiers fait fusiller. Dans le marigot vichyssois, Bernard Ménétrel apparaissait comme l’ami-confident plutôt en marge des courants qui parcouraient le microcosme politique. Son problème serait plutôt le caractère velléitaire du Maréchal, son aboulie de vieillard qui change d’avis et de politique selon l’entregent de son interlocuteur.

 

Pétain ne cessera de refuser de choisir entre les attentistes,  Weygand que les Allemands finiront par arrêter, l’amiral Darlan qu’il soutiendra avant de refuser d’avaliser l’accord Darlan-Warlimont et entre les collaborationnistes Laval qui finit par l’imposer, ainsi que les ultras Déat et Doriot.

 

Le pouvoir de Bernard Ménétrel dans cette pétaudière est d’abord d’être un passage obligé pour parvenir au Maréchal, le seul qui sache le moment propice à une visite positive, « il faut prendre le Maréchal quand il est frais » conseille-t-il parfois. D’une façon plus directe, il va participer à l’action du 13 décembre 1940 qui destitue Laval puis aidera Groussard à obtenir l’aval du Maréchal pour engager des pourparlers secrets avec les Alliés.

 

Il prendra ensuite langue avec des membres anti nazis de l’Abwehr et même avec la Résistance début août 1944, actions vaines qui lui vaudront la haine des ultras et d’être arrêté par las Allemands à Sigmaringen le 22 novembre 1944… avant d’être emprisonné à la Libération puis rapidement libéré. Le docteur Ménétrel a été, sinon son éminence grise, la conscience du Maréchal, celui dont Pierre Laval dira, exaspéré par son entêtement à préserver le Maréchal jusqu’à la fin, « J’avais tout prévu, sauf que la France serait gouvernée par un docteur. »

 

       
Le docteur Ménétrel                avec le maréchal Pétain à Vichy

 
Notes et références
[1] Aldous Huxley, L'Éminence grise, 1941
[2] Catherine Salles, Louis XV, les ombres et les lumières, éditions Tallandier, 2001
[3] Maurice Lever, Pierre Caron de Beaumarchais, éditions Fayard, 1999
[4] Gilles Perrault, Le secret du roi. La revanche américaine, éditions fayard, 1996
[5] Bénédicte Vergez-Chaignon, Le docteur Ménétrel, Éminence grise et confident du Maréchal, éditions Perrin, 2001
 
Bibliographie
 * Pierre Assouline, Une éminence grise : Jean Jardin, 1904-1976, Balland, Paris, 1986, 374 p., (ISBN 2-7158-0607-8)
* Christine Fauvet-Mycia, Les Éminences grises, éditions Belfond, coll. « Documents », Paris, 1988, 225 p., (ISBN 2-7144-2112-1)
* Roger Faligot et Rémi Kauffer, Éminences grises, Fayard, Paris, 1991, 432 p. ISBN 2-213-02956-3
* Dimitri Casali, Walter Bruyère, Les Éminences grises du pouvoir, L'Express , 2011, 255 p., ISBN 978-2-84343-843
* Georges Minois, Charles VII, Paris, 2005, ISBN 978-2-286-01834-4 et Jeanne Bourin, La Dame de beauté, Livre de poche no 6341, 1990, ISBN 978-2-253-04169-6
* Michel de Decker, La Marquise des plaisirs - Madame de Pompadour, éditions Pygmalion,‎ mars 2007, 214 pages, ISBN 978-2-85704-948-7
* André Castelot, Madame de Maintenon, La reine secrète, Paris, Éditions Perrin, 1996, ISBN 2-262-01249-0
* Benoît Pierre, Le Père Joseph, l'éminence grise de Richelieu, Perrin, 2007
 
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14/03/2014
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La réaction thermidorienne à Lyon

La réaction thermidorienne à Lyon, centrée sur l'année 1795 est un ouvrage historique écrit par l'historienne Renée Fuoc.

                     

                                                                        Buste de Marie Joseph Chalier, musée de Vizille (38)

 

Référence : Renée Fuoc, "La réaction thermidorienne à Lyon", éditions Lac, 1957, 224 pages, ISBN : 2-85792-018-0

 

L'intérêt de cet ouvrage, écrit d'un style précis, tient d'abord au souci de l'auteure de cerner les faits au plus près en exploitant documents et sources originales. Il est centré sur le massacre des prisons de Lyon le 15 floréal an III et les prémices de ce terrible épisode constellés de multiples attentats survenus dans les semaines précédentes et dirigés contre les Jacobins finalement vaincus de Lyon après plusieurs rebondissements, ceux qu'on appelait souvent les "mathevons".

Renée Fuoc (1929-1955) [1] s’interroge aussi sur les réseaux royalistes dont les ramifications s'étendent jusqu'en Suisse et le Piémont, jusqu'aux Compagnies qui sillonnaient le midi de la France. Elle aborde la question de leurs agents et ins­tructeurs, révélant l'importance de la 'dias­pora anti-révolutionnaire lyonnaise'.

 

Situation bien embrouillée et précaire que celle de Lyon en 1795, comme le note le député girondin Paul Cadroy dans ses Mémoires. Le 14 floréal (3 mai), un arrêté l'envoie à Lyon, où il laisse, deux jours plus tard, lors du déclenchement de la Terreur blanche, la foule extraire les Jacobins de leurs prisons pour les égorger.

     Jean-Baptiste Louvet de Couvray

 

Tentant d'atténuer la portée de cet événement, il se défend ainsi : « Un grand crime a été commis, et nous en gémissons et nous cherchons les vrais coupables... Mais pourquoi publier dans toute la France que les patriotes sont égorgés à Lyon ? Puisque la loi n'avait pas prononcé sur le sort des victimes, ce n'est pas à nous à attester leur crime. Écoutez l'opinion qui rarement se trompe quand elle n'est pas égarée par des passions étrangères. Les hommes qui sont morts dans les prisons avaient versé dans cette commune la désolation et le deuil. Les citoyens égorgés à milliers, les maisons démolies, les artisans, les ouvriers, les commerçants mitraillés en masse, la probité bannie, toutes les familles dispersées ; quatorze millions dépensés pour la destruction des édifices... voilà les hauts faits que l'accusation universelle attribue aux ministres de Collot, de Couthon... Nous n'avons donc pas à pleurer des patriotes ; mais nous pleurons sur la violation de la loi... » [2]

 

Le soulèvement de Lyon se produit dans un contexte économique défavorable suscitant des conflits sociaux et excitant les passions de deux camps opposés, les élites royalistes autour d'Imbert-Colomès, et les "patriotes" autour de Roland.  Le 9 mars 1793, l'arrivée à la mairie de Bertrand, l'ami de Chalier, va précipiter les choses. L'espèce de "commune populaire" mise en place par Chalier va engendrer une contre-réaction de la bourgeoisie lyonnaise. La chute de Joseph Chalier et de ses amis débouche alors sur la volonté de la Convention de réduire ce mouvement puis sur le siège de la ville, signe d'une véritable guerre civile. La répression sera à la hauteur de l'événement puisque Lyon débaptisée, ainsi que des places et des rues,  devient Ville-Affranchie. Le quartier Bellecour devient le Canton de la Fédération ou Canton Égalité, la place Bellecour est renommée place de la Fédération ou place de l'Égalité, le quartier de La Croix-Rousse est transformée en Commune-Chalier, le quartier de l'Hôtel-Dieu devient Canton-sans-Culotte... [3]

 

Le développement de la terreur blanche

 

Mais Au printemps 1795, renversement de situation après la chute de la Convention remplacée par le Directoire, la Terreur blanche s'abat à son tour sur la ville, dirigée contre les "terroristes". Les Jacobins, confrontés à l'hostilité de certains républicains et des royalistes, et le peuple touché par la disette se révoltent mais finissent par échouer.

 

                   
Massacre dans les prisons de Lyon,                        Fouché, "le mitrailleur de Lyon"
gravure d'Auguste Raffet 1823

 

Profitant de la réaction thermidorienne, les royalistes poussent à la vengeance, dans la vallée du Rhône, contre les anciens Jacobins, particulièrement des militants sans-culottes, appelés  « Mathevons » à Lyon, d'où le terme de « mathevonnade », les traquent en groupe, surtout en soirée ou durant la nuit et les bastonnent. Le basculement a lieu le 26 pluviôse (14 février) avec le massacre de Joseph Fernex, ancien membre de la commission révolutionnaire lyonnaise, battu à mort par la foule et jeté dans le Rhône lors d'un transfert. L'absence de poursuite est considérée comme une approbation tacite du meurtre et permet tous les débordements. Lyon connaît de nouvelles violences les 15, 16 et 17 floréal (4-6 mai) où une quarantaine de personnes forcent les prisons et égorgent une centaine de détenus.

 

À Lyon, l'agent anglais Wickham, installé en Suisse, établit dans la ville une agence de propagande qui recrute des contre-révolutionnaires, comme Imbert-Colomès ou le « marquis » de Bésignan, et prépare une nouvelle insurrection avec Précy. Les détachements royalistes des Compagnies de Jésus et du Soleil, pourchassent et massacrent jacobins, républicains, prêtres constitutionnels, protestants (pour des raisons socio-économiques et politiques autant que religieuses), détenus politiques des prisons dans toute la région, Lyon étant considérée comme le centre opérationnel de ces actions.

   Compagnies du Soleil en 1795 (cabinet des estampes)

 

La Terreur blanche se développe surtout dans la vallée du Rhône et le sud du pays, ce qui s'explique par les antagonismes socio-politiques dans des villes comme Toulon et Lyon, où s'opposent fabricants en soie et ouvriers lyonnais, les canuts. Le gros des troupes royalistes est constitué, à Lyon, de nobles, de prêtres ou d'aventuriers étrangers à la ville, réfugiés ou arrivés clandestinement de l'étranger, les journées insurrectionnelles parisiennes augmentant la peur et faisant craindre une nouvelle flambée jacobine. À Lyon, la Terreur blanche se prolonge, avec son cortège de violences, d'assassinats collectifs d'anciens responsables terroristes lyonnais et d'éliminations de dénonciateurs suite à la publication de la Liste générale des dénonciateurs et des dénoncés de la ville de Lyon en , jusqu'à la mise en état de siège de la ville en .

 Les Muscadins, groupes réactionnaires qui sèment la peur dans les villes

 

Réaction aux menées royalistes

 Après l'échec des coupes de mains royalistes, débarquement manqué des émigrés à Quiberon en juin-, insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (), la Convention cherche une voie de sortie.

Le 24 juin, les Lyonnais sont sommés de rendre leurs armes, de chasser les étrangers et de livrer émigrés et assassins, sous la menace des 12 000 hommes commandés par Kellermann. C'est l'apaisement : les officiers jacobins destitués sont réintégrés dans l'armée, les poursuites contre les Montagnards sont arrêtées, (décret du 13 octobre) une amnistie générale « pour les faits proprement relatifs à la Révolution » est votée le . Mais après la découverte de la conjuration des Égaux, en le Directoire ne cessant dorénavant d'osciller entre lutter contre les royalistes et contre les jacobins.

 

Notes et références

[1] Sa vie devait prématurément s'arrêter lors d'un accident de montagne

[2] Couthon fut guillotiné comme "robespierriste" à la chute de la Convention et Collot d'Herbois déporté en Guyane

[3] La « Commission extraordinaire » qui a statué, a dénombré 1 684 exécutions, 1 682 acquittements et 162 condamnés à la détention.

 

Voir aussi

  • Les thermidoriens à Lyon
  • Claude Riffaterre, Le Mouvement antijacobin et antiparisien à Lyon et dans le Rhône-et-Loire en 1793. 29 mai-15 août, Annales de la Faculté des Lettres de Lyon, réédition, Megariotis, 1979, 2 volumes, 490 et 682 pages.
  • Édouard Herriot, Lyon n'est plus, 4 volumes (« Jacobins et Modérés », « Le Siège », « La Réaction », « La Répression »), Paris, Hachette, 1937-1940.

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11/02/2014
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Joseph Fouché Biographies comparées

<<<<<<<<<<<<<<<<<<< La biographie à travers Joseph Fouché >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

          
Stefan Zweig                                   André Castelot                                 Jean Tulard

 

Il était tentant de comparer la biographie que des hommes aussi différents que Stefan Zweig, André Castelot et Jean Tulard ont consacré à la vie de Joseph Fouché, à ses tribulations dans tous les régimes qui ont marqué la France entre 1793 et 1815... et même au-delà. Leurs motivations tiennent sans doute à la curiosité qu'ils ont éprouvé envers un homme qui semble une énigme, revenant toujours au premier plan dans un monde bouleversé, espèce de Phénix politique apparaissant même après tout ce temps comme une espèce de Machiavel moderne, mais qu'en est-il en fait de leur approche de l'homme et de leur démarche historique ?

 

L'approche historique, même si elle s'efforce d'être un exercice d'objectivité, est toujours sujette à la vision de l'auteur, même si sa tâche est facilitée par l'importance des sources disponibles. Encore faut-il que ces sources soient dignes de foi,  que leur crédibilité soit réelle, certifiée par les recoupements que doit nécessairement effectuer l'auteur. On peut à cet égard se reporter à l'ouvrage de Jean Tulard intitulé "Jeanne d'Arc, Napoléon, le paradoxe du biographe". [1]

 

On rencontre ici aussi cette difficulté que Louis Madelin avait déjà mentionnée dans la première grande biographie qu'il écrivit sur Joseph Fouché. Il écarta volontairement les Mémoires de Joseph Fouché, non qu'il les jugeât apocryphes peut-être ou sans grand intérêt historique, mais en tout cas pas assez dignes de foi pour pouvoir s'y référer avec un minimum de confiance. Telle n'est pas l'approche d'André Castelot qui considère que ces Mémoires contiennent des indications précieuses, des précisions ou des anecdotes intéressantes dont on ne saurait se passer mais qu'il faut malgré tout manier avec précaution.

 

Approche pragmatique donc, qui n'empêche pas une démarche critique qui permet de rejeter telle ou telle information jugée par trop sujette à caution, le propre d'un auteur de Mémoire étant d'être juge et partie, qui tente parfois de se donner le beau rôle et éventuellement de se dédouaner face à ses contemporains... ou à la postérité. Approche sélective aussi qui permet d'éviter les passages ou les chapitres par trop hagiographiques, qui s'écartent trop ou contredisent d'autres sources jugées plus fiables. 

 

Telle est toute la difficulté d'un travail de biographe sur la matière historique, d'autant plus quand il s'agit d'auteurs comme ici venant d'horizons très différents. L'écrivain Stefan Zweig l'aborde en romancier, laissant parler son cœur, enthousiaste quand il lui trouve une certaine forme de génie politique ou de courage quand il tient tête à Napoléon, très réticent face au "mitrailleur de Lyon", quand Fouché n'hésite pas à trahir ou qu'il a "du sang sur les mains".

Joseph Fouché sur une huile sur toile de Claude-Marie Dubufe, château de Versailles.    Joseph Fouché par Claude-Marie Dubufe, château de Versailles.

 

L'approche différente des deux historiens que sont André Castelot et Jean Tulard tient à leur parcours personnel, l'idée qu'ils se font de leur rôle d'historien et de la démarche qu'ils ont adoptée. André Castelot est autant intéressé par l'aspect historique que par les anecdotes, les notations qui égayent le propos, qui illustrent une matière qui peut paraître aride à des non spécialistes ou des béotiens, et qui tient à faire œuvre de vulgarisation. Jean Tulard, spécialiste de cette période et en particulier du Premier Empire, est plus porté à aller à l'essentiel sans s'étendre sur tel ou tel aspect anecdotique, à la présentation rigoureuse et à l'analyse des contextes et des situations historiques.

 

Si l'ouvrage de Stefan Zweig est assez ancien -il paraît en Allemagne en 1929 et en France l'année suivante-, ceux d'André Castelot et de Jean Tulard sont contemporains, parus respectivement en 1990 1998. Jean Tulard est dans son élément, écrivant son livre entre un "Napoléon : le pouvoir, la nation, la légende" et un "Le 18-Brumaire. Comment terminer une révolution ? André Castelot apparaît comme plus éclectique entre un "Charles X : La Fin d’un monde", un "Madame du Barry et un livre sur "La campagne de Russie 1812". [2]

Ainsi en est-il aussi de la conception de l'histoire à travers le temps, la vision d'un Jules Michelet ou même de tout autre historien du XIXème siècle, n'a que peu en commun avec celle d'historiens du siècle suivant de l'École des Annales comme Lucien Febvre ou Emmanuel le Roy Ladurie, plus préoccupés  par une histoire à dimension sociologique que du destin des grands hommes.

 

Si les deux historiens ont beaucoup écrit sur Bonaparte-Napoléon, on compte 7 ouvrages pour André Castelot, surtout à ses débuts entre 1959 et 1968 contre 15 pour Jean Tulard dont le dernier intitulé "Napoléon chef de guerre " en 2012, ils ont aussi été fascinés par "l'alter ego" de Joseph Fouché, ce personnage aussi hors du commun qu'était le prince de Talleyrand-Périgord auquel ils ont consacré chacun un ouvrage intitulé "Talleyrand ou le Cynisme" pour Castelot et "Talleyrand ou la douceur de vivre" pour Tulard. [3]

 

 Image illustrative de l'article Joseph Fouché (Tulard)  Joseph Fouché, miniature sur ivoire, Jean-Baptiste Sambat

 

Pour écrire cette biographie de Joseph Fouché, Stefan Zweig s'est beaucoup référé  à l'ouvrage de base de Louis Madelin qu'il qualifiait avec respect de «monumental ». Il est vrai que Joseph Fouché a toujours intéressé, voir fasciné les historiens et les écrivains pour être passé sans encombres dans les arcanes d'une période parmi les plus troublées de l'histoire européenne. Stefan Zweig a été séduit par cet homme si atypique, la carapace de l'homme public, son calme marmoréen face à Napoléon Ier,  sa capacité à "rebondir" en professionnel de la politique, ce contraste avec l'homme privé assez débonnaire et aimant sa famille.

  • Stefan Zweig, Fouché, biographie, traduit de l'Allemand par Alzir Hella et Olivier Bournac, Édition française Bernard Grasset, Le Livre de Poche historique n°525-526, 1973
  • Voir l'article détaillé : Joseph Fouché (Zweig).

 André Castelot connaît très bien cette période à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages, en particulier sur les hommes de pouvoir d'alors. Pour décrire le parcours de Joseph Fouché, il a opté pour l'exploitation des Mémoires de Fouché ainsi que de documents restés inédits des Archives nationales et de celles des Affaires étrangères, ce qui donne un éclairage différent, sinon nouveau, à son approche, permettant comme l'a écrit un critique de « renouveler la connaissance de Joseph Fouché. »

De plus, il a eu la chance d'avoir accès à la documentation que son ami Alain Decaux a mis à sa disposition et que, faute de temps, il n'avait pas pu exploiter.


Jean Tulard, historien spécialiste de cette période, membre de l'Institut et directeur de l'institut Napoléon, brosse le tableau des ces moments historiques sans précédents et nous donne sa vision des relations entre Fouché et Bonaparte et surtout la confrontation entre Fouché et Napoléon. Mais plutôt qu'à l'homme, Jean Tulard s'attache d'abord à l'évolution politique et surtout l'histoire de la police depuis La Convention jusqu'aux Cent-Jours.

Notes et références

[1] Voir aussi un autre ouvrage de Jean Tulard intitulé "Le métier d'historien" paru en 1991

[2] Citons entre autres "Bonaparte" en 1967 ou "Napoléon" en 1968 pour André Castelot " et pour Jean Tulard "L'Anti-Napoléon, la légende noire de l'Empereur"  en 1964, "Le Mythe de Napoléon" en 1971, " Napoléon : le pouvoir, la nation, la légende" en 1997 ou "La Berline de Napoléon" en 2012

[3] Jean Tulard a aussi publié les "Mémoires de Talleyrand" présentés et annotés par ses soins

 

<><><> CJB Frachet - Joseph Fouché - Feyzin - 07/02/2014 - <><>  © • cjb •  © <><><>

 


06/02/2014
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L'Oligarchie des incapables

L'oligarchie des incapables est un essai écrit par Sophie Coignard et Romain Gubert sur l'évolution de l'élite politique et économique française


   Les deux auteurs

Après le thème de l'incapacité du pouvoir politique à traiter les problèmes [1] et celui des scandales de la République, [2] les auteurs abordent dans cet ouvrage la question de la mainmise d'une minorité sur les rouages de l'État et les bénéfices qu'ils en tirent. Ce qui fait sa spécificité, c'est le cumul des privilèges et des postes importants, le fait que ses membres soient de moins en moins au service de l'État, qu'ils forment un réseau pour leurs propres besoins et ceux de leurs amis.

 

Ces oligarques comme les appellent les auteurs sont les détenteurs du pouvoir politique (élus, hauts fonctionnaires...) et du pouvoir économique (chefs d'entreprise, experts...) qui se servent de leurs réseaux pour coopter des responsables dont la compétence n'est pas la première qualité. [3]

 

Dans une interview donnée à France-Info le 5 janvier 2012, [4] Sophie Coignard parle des privilèges de cette caste qui retire des avantages personnels de leurs fonctions. Elle cite entre autres le cas de la maison de disques de Carla Bruni financée par la Caisse des dépôts et consignations. On se retrouve dans une nomenklatura à la française, [5] qui sont peu nombreux et ont beaucoup de pouvoirs. La nouveauté c'est que, dans une époque particulièrement dure marquée par la crise, cette oligarchie s'éloigne du sort commun, déconnectée de la réalité quotidienne ; un système qui récompense des gens du sérail qui sont des incapables.

 

Couverture de L'oligarchie des incapables         Romain Gubert, journaliste au Point  Romain Gubert

Notes et références

  1. Voir Sophie Coignard "Le pacte immoral" paru chez J'ai lu en 2011
  2. Voir Sophie Coignard "Le rapport Omerta" paru chez Albin Michel en 1964
  3. Voir La faillie des élites
  4. Interview France Info
  5. Voir le livre "La nomenklature française" de Sophie Coignard et Alexandre Wickham, Belfond, 1986

Voir aussi

             <<<  Christian Broussas - Roissiat-Courmangoux - juin 2012 - <<<< ©• cjb •© >>>>


25/01/2014
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Le goût de l'émeute Chronologie

Manifestation et violences de rue dans Paris et sa banlieue à la "Belle époque"

Voir fichier principal Le goût de l'émeute Anne Steiner

 

Le goût de l'émeute, Anne Steiner

 CHRONOLOGIE 1905-1911

 

"La période 1905-1911 a tout d'une révolution qui se déroule sur une longue période mais qui n'aboutit pas." Anne Steiner

 

Cette période a été particulièrement "riche" en grèves et en manifestations puisqu’on a compté alors en moyenne 117 grèves pour 211 500 grévistes, avec un pic pour l’année 1906 où il y eut 1309 grèves qui ont réuni 438 000 grévistes.

 

 

 

Grèves à limoges février-mai 1905

Elles débutent par les ouvriers de la chaussure suivis par les porcelainiers. Réaction brutale du patronat avec lock-out chez Haviland et appel à la troupe. Les ouvriers ont à leur tour réagi violemment en édifiant des barricades et en pillant des armureries. La troupe fit alors feu faisant de nombreux blessés et un mort.

 

Manifestations-Grèves le 1er mai 1906

Vagues de grèves à l’occasion du 1er mai pour revendiquer la journée de huit heures. Les 45 000 soldats mobilisés à Paris et les arrestations préventives de syndicalistes n’empêchent pas manifestations et grèves de se prolonger parfois sur plusieurs semaines.

Le nombre important des conflits cette année-là est essentiellement dû aux grèves qui ont marqué le 1er mai.

 

Nombreuses grèves en 1907, dominées par la révolte des viticulteurs

Grèves pour revendiquer la journée de huit heures et l’application de la loi du 13 juillet 1906, le 20 janvier à Paris, le 8 mars dans les compagnies d’électricité et lors du traditionnel 1er mai. En mai-juin, c’est le midi viticole qui se révolte contre la concurrence déloyale qu’ils subissent. Le 9 juin, ils sont quelque 800 000 à Montpellier et décident la grève de l’impôt. Clémenceau finit par envoyer la troupe qui tire sur la foule, faisant 7 morts. En représailles, on incendie des bâtiments publics tandis que le 17ème bataillon d’infanterie refuse de tirer sur les manifestants. Mais la loi est finalement votée.

En juillet-août, une grande grève se déclenche chez les "chaussonniers" de Raon-L’étape à La Neuville-les-Raon. La confrontation avec les forces de l’ordre tournera à l’affrontement violent faisant 3 morts et une cinquantaine de blessés.

 

Grève des carriers de Draveil du 2 mai au 8 août 1908

Voir l’article dans le fichier Le goût de l'émeute Anne Steiner

 

1909 De Méru à Francisco Ferrer

Grève des boutonniers de la région de Méru dans l’Oise, voir Le goût de l'émeute Anne Steiner

Manifestations contre l’exécution de Francisco Ferrer, voir Le goût de l'émeute Anne Steiner

Grèves des postiers entre mars et mai avec intervention de la troupe ; 800 postiers seront révoqués.

 

1910 Année marquante

Pour les troubles et manifestations qui ont suivi la mort de l’ébéniste Henri Cler et du cordonnier Jean-Jacques Liabeuf, voir ci-dessus

Ces événements sont à rapprocher de la condamnation à mort de Jules Durand, secrétaire du syndicat des charbonniers du Havre, suite à une grève dans le port et la mort d’un « jaune », le jugement sera finalement cassé mais c’est trop tard, Durand a perdu la raison pendant son incarcération.

Grève de 4 000 boulonniers du Chambon-Feugerolles dans la Loire pour la reconnaissance des syndicats. Les manifestations tournent à l’émeute, la prison stéphanoise est attaquée pour libérer un gréviste. La grève reprendra de mars à juillet 1911, plus violente avec, après le lock-out de la direction, le recours à des attentats contre les biens des patrons et des non grévistes.

Grève des cheminots en octobre avec sabotages et affrontements avec les non grévistes. Aristide Briand en profitera pour imposer un droit de réquisition.

 

1911 L’année des émeutes

Véritables émeutes chez les producteurs de Champagne, des vignes sont arrachées, des maisons incendiées, des fûts de champagne détruits. La répression sera féroce et deux viticulteurs se suicideront dans leur prison.

Des émeutes commençant dans le Nord du pays finiront par toucher une grande partie de la France sur le thème de la vie chère avec blocage des marchés et pillages de magasins. Comme souvent, l’intervention « musclée » des forces de l’ordre sera l’objet de nombreuses échauffourées qui feront beaucoup de blessés. 

     

Bibliographie

* Miguel Chuega, Déposséder les possédants, la grève générale aux "temps héroïques" du syndicalisme révolutionnaire (1895-1906), recueil de textes, éditions Agone, 2008

* Jacques Julliard, "Clémenceau briseur de grève", éditions Gallimard, 1973

* Frédéric Lavignette, "L’affaire Liabeuf", éditions Fage, 2011

* Danielle Tartakovski, "Le pouvoir est dans la rue, crises politiques et manifestations en France", éditions Aubier, 1998

* Jack Gonet, "Marie la rouge", chronique de la vie méruvienne pendant la grève des boutonniers de 1909, roman historique, Marie la rouge

* La grève des terrassiers de Draveil-Vigneux, Histoire de Vigneux

 

    <<<< Christian Broussas, Roissiat-Courmangoux, Novembre 2013 © • cjb • © >>>>


13/01/2014
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