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Autour de l'histoire


Irena Sendler et la résistance

Irena Sendler, Juste et symbole de la résistance (1910-2008)

   Irena Sendlerowa en 1942

Devoir de mémoire pour Irena Sendler, cette résistante polonaise récemment décédée à  l'âge de 98 ans.  Son action commence pendant la  2ème  guerre mondiale par sa demande d'aller travailler  dans le Ghetto de Varsovie, comme "plombier,  serrurier".   

 

Ayant eu connaissance des  plans  d'extermination que tramaient les nazis envers les juifs, elle résolut de profiter des informations dont elle avait accès pour secourir les enfants.  «On m'a éduquée dans l'idée qu'il faut sauver quelqu'un qui se noie, sans tenir compte de sa religion ou de sa nationalité, » aimait-elle dire.   

Irena Sendle a caché beaucoup d'enfants dans le fond de la boite à outils  qu'elle transportait à  l'arrière de son véhicule ou également dans un grand sac réservé aux enfants plus âgés. Elle possédait un chien qu'elle a peu à peu entrainé à aboyer quand les  soldats allemands la contrôlaient à l'entrée et à la sortie du Ghetto, les soldats étant impuissants contre ce chien dont le rôle était en fait de couvrir les bruits éventuels que pouvaient  faire les enfants.

 

On estime qu'elle en sauva  au moins 2500 en les cachant ainsi dans sa voiture pour les extraire du piège du Ghetto.  Mais elle finit par être arrêtée et bien sûr les conséquences furent à la hauteur de son courage : les nazis lui brisèrent les jambes, les  bras, lui infligeant d'horribles tortures. Condamnée à mort, elle fut miraculeusement libérée sur le chemin de l'exécution par un officier allemand que la résistance polonaise avait réussi à corrompre. Elle continua ensuite son combat clandestin sous une autre identité jusqu'à la Libération et, après la guerre, elle s'occupa d'orphelinats et de maisons de retraite.

 

Irena Sendler eut envie de conserver tous les noms des enfants qu'elle avait arrachés au Ghetto et cacha ces noms dans une grande jarre en verre enterrée  derrière un arbre au fond du jardin, derrière sa maison.  Après la guerre dont elle parvint à survivre malgré tout ce qu'elle avait subi, malgré le camp de concentration, elle passa beaucoup de temps pour s'efforcer de localiser tous les parents qui avaient pu survivre et tenta de réunir les familles, mais la plupart avaient été gazés et n'étaient pas revenus des camps. Les enfants qui avaient pu être sauvés furent placés dans des familles d'accueil ou purent ensuite être adoptés.       

 

En 2007, Irena Sendler avait été pressentie pour recevoir le prix Nobel de la Paix, mais finalement sa candidature ne fut pas retenue et c'est un homme politique américain Al Gore qui l'obtint pour son action sur le  réchauffement de la planète. Rappeler son engagement est alors d'autant plus important pour rappeler à travers ce qu'on appelle le devoir de mémoire, le rôle des anonymes comme  Irena Sendler, qui signifie qu'on pouvait avec son courage tranquille, s'opposer aux fanatiques qui suivaient aveuglément la voie létale du führer.

File:2005.02.15. Irena Sendlerowa Foto Mariusz Kubik 02.JPG   Irena Sendlerowa en 2005 à Varsovie - © M. Kubik

 

Sur la fin de sa vie, elle a été plusieurs fois honorée :

* En 1965, elle est devenue à Yad Vashem « Juste parmi les nations » et Citoyenne d'Honneur de l’État d'Israël.

* En 2003, elle a reçu l’Ordre de l’Aigle blanc, la plus haute distinction civile polonaise.

* En 2007, elle a obtenu la distinction de l'Ordre du Sourire, attribuée à ceux qui œuvrent au « bonheur et au sourire des enfants ».

* En 2009, elle a reçu à titre posthume, le Prix humanitaire Audrey Hepburn au nom de l'Unicef.

 

     <><> CJB - Irena Sendler - Feyzin - 11/02/2014 - <><>  © • cjb •  © <><>

 


11/02/2014
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Une femme à Berlin Journal avri-mai 1945

Témoignage anonyme (elle se nommait en fait Marta Hillers) que ce Journal d’une allemande qui note les menus faits, qui rend compte de sa vie  et de celle de ses voisins dans cette période si particulière, névralgique pour les berlinois, les deux semaines qui précèdent et suivent le 8 mai 1945 qui met officiellement fin à la seconde guerre mondiale en Europe. Témoignage vibrant même s’il l’auteure l’a voulu objectif à travers une vérité racontée sans fard et avec une grande lucidité.

 

"Une femme à Berlin", Journal 50 avril  au 22 juin 1945, éditions Hannelore Marek, 2002, Gallimard/Folio, 2006, présentation de Hans Magnus Enzensberger, postface de CW Ceram (lias Kurt W. Marek)

 

    Berlin "année zéro" en mai 1945

 

« Dans une armée, plus gros est le ta, plus sa composition est aléatoire et moins grande est la chance d’y trouver de l’héroïsme de manuel scolaire. Nous les femmes, nous sommes faites comme ça, réfléchies, opportunistes et nous avons le sens pratique. […] La force des femmes, c’est la minute qui suit… toujours heureuse d’investir le présent immédiat. »  (page 46)

 

« N’est apte au service que celui qui croit à l’invariance de la somme terrestre des larmes, n’a aucune aptitude à changer le monde ni aucun penchant pour l’action violente. » (page 266)

 

Mardi 24 avril 1945

« On est coupé de tout. Un peu de gaz… les conduites d’eau sont à sec… toujours la cohue pour le beurre rance gratuit. » (page 53) Jeudi, l’immeuble prend l’eau de toutes parts. Les gens sortant des caves tentent au péril de leur vie d’arrêter l’hémorragie. En vain. Elle a appris une chose : « Dans la mêlée du combat, on ne pense à rien, pas même à la peur. » (page 68)

 

Mardi 1er mai 1945 et jours suivants

Ils viennent de passer trois jours dans des conditions invivables, pleins d’angoisse… elle dit être « au fond du trou, tout au fond. Chaque minute se paie cher. » Elle parvient parfois à dormir quelques heures et pense « encore une nuit dont je suis venus à bout. »

Elle aborde ce tabou que nul n’ose évoquer, pourtant fort répandu alors : les viols perpétrés par les soldats russes, couverts par leur hiérarchie au point, dit-elle, « d’être morte et insensible, aussi longtemps que je suis traitée comme une proie. »  L’information n’est plus que rumeurs diffuses, une vision d’un monde vague et floue qui doit rappeler les temps anciens.

 

Dans les jours suivants, grosse anxiété mais le quartier a été investi par les troupes soviétiques, pour eux la guerre est quasiment finie et dans le quartier, les canons se sont tus. Reste les soldats russes… il faut faire avec. Elle est "protégée" par un major russe qui assure le ravitaillement. Vie sans guerre mais presque aussi difficile, sans repères, (pas de journaux, de calendriers…) ce qu’elle appelle « le temps intemporel ». (pages 212-213)

 

Isabelle Carré dans le rôle de Marta Hillers

 

8 mai 1945 et jours suivants

Grande nouvelle : les russes –elle les appelle "les Ivans"- sont partis, ont évacué le quartier. Finie l’angoisse permanente (et la menace de cette forme collective de viol « surmontée de manière collective »), ce qu’elle note pudiquement dans son Journal en abrégé par Schdg pour schändung (viol)

Autre grande nouvelle : le boulanger, aidé de tous, a remis son fournil en marche ; le quartier a de nouveau du pain. Périple du côté de Schöneberg dans un Berlin vide et lugubre où les habitants se cloîtrent dans ce qui reste debout.

 

Vendredi 11 mai 1945

Un semblant d’ordre sort de ce chaos ; "on" commence à distribuer des tickets de rationnement. Les choses s’améliorent un peu, on calfeutre, on répare comme on peut mais la peur est toujours là. Peur et moral en berne, il fat se blinder sinon, on pleurerait jour et nuit.

 

Samedi 19 mai 1945

Miracle, l’eau est rétablie… de temps en temps ; bientôt finie la corvée d’eau jusqu’à la pompe. Elle en profite pour sillonner Berlin, revoit ses amies Gisela et Ilse qui habite Charlottenburg, qui se terrent dans ce qui reste de leur logis. Elles constatent que la plupart des berlinoises ont subi des viols, baptisés pudiquement « rapports forcés. » Peu à peu, on s’organise, on déblaie, on recense les gens et leurs qualifications. Finie leur vie de rapines dans les immeubles et maisons abandonnés ainsi que les "cadeaux" des militaires russes.

 

On passe à une forme de travail forcé qu’impose l’occupant russe qui emporte en URSS tout ce qui est récupérable. Travail forcé avec les mots qui l’accompagnent : "rabota" pour "Au travail", "davaï pustaï" pour "En avant on y va", "skoreï" pour "Grouillez-vous".

 

Début juin

Plus aucun soldat russe mais plus de travail ; la vie est dure. Le salut viendra peut-être par son amie Ilse qui pourrait lui procurer un emploi dans l’émedium_Berlin5.jpgdition, ce qui signifie pour elle une carte de rang II pour travailleur et 500 grammes de pain par jour ! Pour le moment, « on sens l’angoisse régner partout pour le pain, la vie, le lendemain. » (page 368) Elle est devenue ce que les alliés appellent une "Trümmerweiber", une fille des ruines et de la crasse. Manne miraculeuse, elle reçoit enfin 140 grammes d’huile de tournesol russe et se prépare un petit repas dans son "stolovaïa", le bistrot russe.

 

Pour le moment, en ce 22 juin 1945 où se termine son récit, sa vie reste en pointillés mais il semble- beaucoup de rumeurs circulent alors à Berlin- que son quartier soit dévolu aux Occidentaux. Pour le moment, elle veut seulement survivre –« à l’encontre de toute raison, absurdement, comme une bête. »

 

Zoom:Pour en savoir plus sur la bataille de Berlin et la place de la Grande guerre patriotique dans l'historiographie russe  khaldei_reichstag

Mai 1945 - Drapeau russe sur l'avenue Unter Den Linden, près de la porte de Brandebourg

 

Voir aussi

  • Tamagne, Florence, "Un témoignage unique", nonfiction.fr Le quotidien des livres et des idées, 6 mars 2008.
  • Rossignol, Lorraine, "Seules dans Berlin", Le Monde, 21 décembre 2008.
  • Présentation de Marta Hillers
  • Knut Hamsun, "La faim" et Hans Jünger, "Amour malade", cités dans la post-face

      <<< Christian Broussas - Une femme à Berlin - 12/2013 <<< © cjb © • >>>


31/12/2013
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Les Ressorts de la mondialisation

Trajectoire historique et réalité contemporaine

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Les ressorts de ce qu'on appelle aujourd'hui la mondialisation, même s'ils possèdent leur propre dynamique, trouvent leur fondement dans les grandes évolutions, les trajectoires historiques qui impactent la réalité contemporaine. [1]

 

Mondialisation1.jpg . . Mondialisation2.jpg . . Mondialisation menace ou chance.jpg
Les symboles de la mondialisation : chance ou menace ?

1- Les composantes de la mondialisation

Si le terme "Mondialisation" assez récent, date des années 80, ce processus avait déjà marqué largement le mouvement de l'Histoire à plusieurs époques. A partir de la grande vague de libéralisation des échanges internationaux initiée au début des années 80, plusieurs facteurs vont se conjuguer pour accentuer le phénomène.

 

A - L'effondrement du bloc communiste à partir de la chute du Mur de Berlin en 1989 a reconfiguré le marché mondial et l'a unifié au profit du libéralisme économique qui règne en maître dès lors sur la planète.

 

B - Ce mouvement s'est conjugué avec la diffusion de l'informatique grand public, le phénomène "Internet" et d'une façon plus générale des "NTIC", générant comme le prévoyait déjà Mac Luan [2] dans les années 70, un accès pratiquement instantané à l'information.

 

C - Le domaine de la culture a été à son tour largement touché par ce phénomène, la technique permettant d'intégrer désormais texte, son, images fixes, films, interviews et reportages, mettant à la portée du plus grand nombre -au moins dans les pays développés- et sous une forme attrayante, parfois ludique, un savoir encyclopédique translinguistique.

 

D - l'évolution touche aussi de plus en plus aux identités et aux valeurs, c'est-à-dire à l'idéologie dans ses composantes socio-économique et socio-culturelle. Les espoirs qu'elle suscite -et sont parfois de l'ordre du fantasme [3] -sont aussi à la hauteur des désillusions provoquées par la crise économique persistante des années 2000. Le nouvel équilibre mondial qui se dessinait est ainsi remis en cause par ces nouvelles données économiques et la dépression du marché mondial qui touche d'abord l'Europe et dans une moindre mesure les Etats-Unis. [4]

 

E - Pour beaucoup d'acteurs majeurs du champ social, « La mondialisation est inéluctable et irréversible. Nous vivons déjà dans un monde d’interconnexion et d’interdépendance à l’échelle de la planète» . [5] Même si les sociologues qui en arrivent à ce constat le déplorent et en voient bien les dangers, pour Zygmunt Bauman, la société actuelle est caractérisée par la "jetabilité", l'interchangeabilité et l'exclusion [6]

 

Ces évolutions convergentes tendent vers une idéologie mondiale dominante marquée par les concepts de liberté des échanges et de démocratie politique, qui serait le seul garant de cette liberté, impliquant une interdépendance entre les deux. La mondialisation est ainsi considérée comme un nouveau messianisme auquel se raccrochent tous "les oubliés de la croissance" et le quart monde des pays développés, particulièrement touchés par la crise économique. [7] Mais la mondialisation prend aussi ses racines dans une réalité historique, celle du monde du XIXème siècle jusqu'à la première guerre mondiale ou même plus lointaines comme les tentatives d'unification du monde romain ou de l'Espagne de Charles Quint, assurant leur domination bien au-delà des frontières européennes.[8]

 

Poles mondialisation.JPG    Carte des pôles de la mondialisation 

2- Le siècle de l'état bourgeois (1815-1914)

Les prémices de la mondialisation apparaissent dès le 18ème siècle, l’Europe voulant unifier le monde à son profit. C’est d’ailleurs l’une des constantes de la mondialisation que d’être initiée par le pays dominant qui pense en tirer parti. Les découvertes, les évolutions technologiques du 19ème siècle vont largement y participer, du chemin de fer au téléphone, de la vapeur au télégraphe ou de la presse à l’automobile. Ces nombreux progrès vont peu à peu se diffuser hors des frontières des pays développés, avec pour conséquence d’unifier les modes de vie des différents pays.

 

La grande vague de colonisation, cette forme de « partage du monde » entre 1880 et 1914 contribuera largement à conforter le processus, à impulser un rapprochement entre états [9] et stimuler la circulation des capitaux, des marchandises et des idées. [10] A une époque où le monde vit dans un système de monnaies convertibles à valeur fixe par rapport à l’or (dit système de l’étalon-or), les marchandises ont un prix mondial unique fixé par les principales bourses de commerce (Winnipeg, Hambourg et Londres). [11] "L’économie-monde" concerne aussi la diffusion des capitaux sur les marchés monétaires et financiers. [12] Dopée par la colonisation, l’Europe prétend alors « civiliser les races inférieures ». Malgré une concurrence acharnée pour la domination des marchés, qui ne bénéficie par forcément au consommateur, ces temps d’expansion économique s’inscriront dans l’Histoire comme une « belle époque » que la guerre stoppera brusquement. Le libéralisme économique semble indissociable de l’instauration de la démocratie politique.

3- Le XXème siècle entre-deux-guerres et guerre froide (1918-1989)

31 – Le recul de l’entre-deux-guerres
La Première guerre mondiale va mettre à bas cette dynamique et engendrer un dérèglement durable de l’économie pouvant aller jusqu’à une hyper inflation irrépressible comme en Allemagne en 1922-1923, mettant fin à la convertibilité des monnaies en or. Les échanges internationaux sont rapidement marqués par leur diminution, et un cloisonnement des marchés et le recours à l’autarcie décidé par les pays communistes. Le phénomène touche aussi des pays comme l’Angleterre dont l’Import Duty Act passe les droits de 15 à 33%, L’Italie et l’Allemagne se dirigeant vers l’autarcie.

 

32 – Les limites induites par la guerre froide
Après la guerre, le fer de lance des états est d’abord le Plan Marshall, rempart financier contre l’expansion communiste, puis l’ONU. Cette organisation qui remplace la SDN, œuvre pour le maintien de la paix mais aussi comme le rappelle le préambule et l’article I de sa charte, pour une coopération garantes des libertés politique et économiques. C’est de cette conception que vont naître le FMI, le Fonds monétaire international en mars 1947(à partir des accords de Bretton-Wood en août 1944) et en octobre le GATT, premier accord général sur les tarifs douaniers et le commerce international.

 

La guerre froide brouille les cartes du système mis en place par les États-Unis et surtout à leur profit, les pays communistes s’y tenant ostensiblement à l’écart et créant leur propre système. Malgré ces heurts et les chocs pétroliers des années 70, la croissance s’est largement maintenue et les États-Unis, l’Europe et le Japon réalisent à eux seuls 66% des échanges internationaux. Et ce, malgré que le dollar ne soit plus convertible, les parités monétaires cédant la place à un système de changes flottants.

4- L'extension de la mondialisation

41 – Le triomphe de l’après communisme
La grosse épine dans le pied du libéralisme version américaine disparaît rapidement après la chute du Mur de Berlin en 1989 : une véritable mondialisation est désormais en marche. En fait, les cinq conditions fondamentales de cette intégration sont alors réunies :
a - augmentation du niveau de vie, surtout dans les pays développés, "boustée" par la demande des anciens pays communistes ;

b - expansion démographique qui impulse une demande croissante et joue un rôle positif sur le plein emploi ;
c - progrès technologiques portés par la demande publique (industrie spatiale par exemple) mais aussi par les investissements dans le domaine de la recherche ;
d - essor des firmes multi nationales, résultante de la mondialisation ;
e - succès du libre-échange symbolisé par l’OMC qui a succédé au GATT.[13]

En fait, les grands gagnants du système sont les firmes multinationales, les 150 plus importantes réalisent plus du tiers des exportations mondiales. L’OMC accompagne largement le mouvement en participant à la libéralisation des services, en faisant la chasse aux droits de douane et aux monopoles publics.

 

Mondialisation et beret.jpg           Mondialisation manif.jpg
                 Postures anti mondialistes 

 

42 - Pouvoirs et contre-pouvoirs
L’unité du système au profit des États-Unis se fait par la complémentarité, l’osmose entre une puissance, ses modes de vie et de production, sa vision du monde et des structures trans nationales comme IBM, Microsoft, Google, Coca cola ou Nike… qui accompagnent le mouvement et en sont le fleuron, la vitrine américaine à l’étranger. Ce bel équilibre est cependant soumis à des pressions qui expliquent l’échec de la réunion de l’OMC à Seattle en novembre 1999, les incidents qui ponctuent en général ces réunions, l’opposition active des alter mondialistes où on est obligé d’isoler les acteurs officiels des mouvements de rue. [14]

 

Cette vague anti mondialiste s’est peu à peu développée, témoin le grand meeting de Johannesbourg en 2002 réunissant des représentants du monde entier. [15] Ils plaident pour taxer les flux financiers, préconisent la refonte du FMI et le développement durable. Ils dénoncent aussi « l’impérialisme culturel américain », sa domination dans le cinéma et la télévision avec les films et les séries télé, le « soft power », les monopoles en informatique, dans les NTIC ou le GPS et prônent l’exception culturelle.

 

« Ce mouvement se nourrit d’un paradoxe, écrit Jean-Michel Gaillard : la certitude de la toute puissance des États-Unis et la perception simultanée de leur fragilité. » [16], le drame du 11 septembre 2001 l’a amplement démontré. Même ainsi, même si l’islamisme terroriste fait figure de contre pouvoir radical, l’hégémonie américaine n’a pas de véritable rival capable de la concurrencer. L’Europe n’offre aucune alternative crédible et les grands états émergents ne cherchent pour le moment qu’à copier le modèle dominant. Seule l’Europe pourrait à la longue corriger au moins les dérives du libéralisme et rééquilibrer le rapport de forces avec les États-Unis.

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Les symboles de la mondialisation : chance ou menace ? 

5- Différentes approches de la mondialisation

51 - La "planétisation" selon Teilhard de Chardin
Déjà à son époque, le père jésuite Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) lançait le terme de "planétisation" pour cerner cette notion. C'est dans son ouvrage le plus connu Le phénomène humain qu'il développe ses deux idées force que les conflits mondiaux ont accéléré le mouvement de dépendance des hommes entre eux et que la marche du monde pourrait s'orienter vers un ensemble organisé.

 

52 - L’économie-monde selon Fernand Braudel
C’est dans son ouvrage paru en 1979 "Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVème-XVIIIème siècle", qu’il développe cette idée force d’"économie-monde" dans un effort de synthèse des conditions de naissance du capitalisme occidental avec comme élément central la mondialisation de l’économie. Il fait référence à une économie qui a son univers en soi et sa propre dynamique, « une juxtaposition de zones liées ensemble mais à des niveaux différents. » (un centre restreint, quelques régions assez développées et de grandes marges extérieures) Et il ajoute cette conclusion encore si actuelle : « Cette géographie discriminatoire, aujourd’hui encore, piège et explique l’histoire du monde. »

 

Les "économies-monde" se sont imposées peu à peu, d’abord l’essor des villes au temps du roman puis du gothique vers le 11ème siècle, puis Bruges et les villes de la Hanse du nord de l’Europe et les villes-états italiennes à l’orée de la Renaissance avec Venise et la Florence des Médicis et des Fugger' et flamandes. On assiste à une balance entre la montée d’Anvers vers 1500, la prééminence de Gênes entre 1557 et 1627, un nouveau retour vers le nord européen Amsterdam, Londres au siècle des Lumières avant de traverser l’Atlantique jusqu’à New-York au XXème siècle. Car, toujours selon Fernand Braudel, « les centrages et les recentrages se sont toujours faits au bénéfice des ports. »

 

53 - Idées clés sur la mondialisation – d’après Michel Godet du CNAM
Tous les organismes socio-économiques internationaux comme le FMI et l’OMC ne remplaceront jamais des mécanismes de régulation internationale qui font cruellement défaut. [17] Les États-Unis jouent un rôle ambigu, pas assez puissants pour être un régulateur mais encore assez pour être un perturbateur. [18] Avoir une monnaie mondiale comme le dollar n’incite guère aux efforts et ils n’hésitent pas à protéger leur économie, à aider des secteurs clés comme l’agriculture ou l’industrie de l’image quand c’est dans leur intérêt. [19]

 

Si la mondialisation est souvent accusée de tous les maux, les facteurs du développement économique sont souvent endogène, liés aux pratiques économiques de tel ou tel pays. D’abord tous les pays européens sont soumis aux mêmes contraintes externes et pourtant leurs résultats sont très différents. Ensuite, pour la France, les trois quart de ses exportations se sont en Europe occidentale où les conditions sociales sont comparables à celles de la France. De plus, si ses échanges sont excédentaires avec les pays du Sud, ils sont déficitaires avec des pays comme Les États-Unis, l’Allemagne ou le Japon. D’une façon générale, depuis 1947 le libéralisme a été bénéfique, les droits de douane ont diminué de 90% entre pays développés, les échanges ont été multipliés par 20 et la production mondiale a décuplé.

 

Il est récurrent de parler de déclin des États-Unis et de son remplacement par tel ou tel pays émergent au développement très rapide. Ce fut le cas du Japon et de la zone pacifique dans les années 90 puis il est question depuis le déclin relatif européen de la Chine et dans une moindre mesure de pays comme L’Inde ou le Brésil mais aucun jusqu’à présent n’a la puissance et le potentiel des États-Unis.

 

54 - L’économique et le politique – d’après l'historien Marcel Gauchet
La mondialisation des échanges et l’interdépendance des économies remettent en cause la maîtrise des processus socio-économiques qu’avaient atteinte les états régulateurs. Dans ces nébuleuses européennes et mondiales, UE, OMC, FMI…) on ne sait plus vraiment qui décide. A travers ce marché tentaculaire qu’est la mondialisation, « l’économie reprend le dessus sur la politique d’une façon inquiétante. » [20] Ce monde moins transparent n’en offre pas moins d’énormes possibilités, comme dans la montée en puissance du système d’information, avec internet où le meilleur côtoie le pire sans qu’on puisse toujours exercer un choix judicieux dans ce trop-plein d’informations. La méfiance qu’on constate vis-à-vis du pouvoir politique proviendrait de l’articulation ambivalente difficile à identifier entre les états-nations et les rouages de la mondialisation. Car cette dernière rend une vision globale bien improbable en augmentant la complexité du réel.

 

55 - Le monde au XVIème siècle – d’après l'historien Joël Cornette
La mondialisation de Christophe Collomb, c’est le rêve de l’Eldorado, la route des Indes vers un vaste marché où l’or, l’argent et les épices rencontrent les caravelles, les galions des conquistadors, des missionnaires des ordres mendiants et des Jésuites, et des marchands débarquant à leur suite. C’est un grand choc de culture qui va rapidement tourner au massacre des populations indigènes –un génocide dirait-on par anachronisme- et à leur mise en esclavage. L’Europe est optimiste, Rabelais s’enthousiasme [21], reprenant espoir après la fin de la guerre de cent ans en 1453 et son cortège de malheurs. Ses ingrédients en sont connus : d’abord ouvrir de nouveaux marchés depuis que les Turks dominent la Méditerranée, [22] l’enrichissement des villes permet de dégager des profits pour investir dans le commerce et la recherche de marchés extérieurs et engendre une croissance démographique importante [23] Cette tendance encore accentuée par les innovations techniques (boussole, astrolabe, cartographie pour la navigation) et une nouvelle vision de l’art qui va s’épanouir dans la Renaissance italienne et gagner l’Europe. Ces mécanismes classiques d’un nouvel ordre mondial aiguisent les appétits des deux grandes puissances coloniales que sont alors L’Espagne et le Portugal.


« Il n’y a de mer où l’on ne puisse naviguer, de terre où l’on ne puisse habiter » proclame le marchand Robert Thorpe en 1527. Le commerce est alors en partie mondialisé, importations provenant des Indes orientales avec soieries, cotonnades, laque, bois de santal, thé, café…, des Indes occidentales avec bois précieux, sacres, colorants naturels… et des Amériques avec l’argent et l’or. Ce puissant levier économique sert le commerce et la prépondérance de Gênes et d’Anvers, et permet la création de véritables multinationales comme celle de la famille Fugger au point qu’on a pu appeler cette époque « le siècle des Fugger ». Jacob Fugger, son fils et ses neveux sont respectés et reçus partout, « le pape l’a salué, lui et son fils bien-aimé et il l’a embrassé ; les cardinaux se sont levés sur son passage… » [24] Les "dégâts collatéraux" sont patent, mauvais traitements, [25] épidémies, exploitation et esclavage, « la puanteur des esclaves morts dans les mines était telle qu’elle provoqua une pestilence, en particulier dans les mines de Huaxyacac. » [26]
 

 

Sur le plan politique, naît l’idée d’empire universel, surtout quand Charles Quint devient l’unique héritier, « le souverain aux dix-sept couronnes, » symbole du sceptre impérial tel que l’a peint L’Arioste dans son Roland furieux. Cette politique s’exerce du triple point de vue politique, géographique et religieux, comme si un empire terrestre devait être calqué sur l’empire divin. Cette dimension religieuse est constamment présente et correspond aux prétentions universelles de l’église catholique. [27] Mais la réalité est très différente de l’idée d’unité universelle, l’inverse même d’un monde infiniment varié qui va encore être renforcé par le métissage.

 

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        Les historiens Joël Cornette (à droite) et Marcel Gauchet                         Le sociologue J.M. Gaillard

Notes et références

  1. Dossier réalisé essentiellement à partir des travaux de Jean-Michel Gaillard, Joël Cornette et Marcel Gaucher (voir la bibliographie)
  2. Le sociologue canadien Marshall Mac Luan (1911-1980) est à l'origine de la notion de "village planétaire" créé par l'essor des mass media
  3. Voir le livre du philosophe Alain Badiou "La République de Platon", Fayard, 2012
  4. Suzanne Berger, Made in monde, Les nouvelles frontières de l’économie mondiale, Le Seuil, 2006, ISBN 2-02-085296-9
  5. Article du "Nouvel Observateur" de mai 2007
  6. Zygmunt Bauman, "S'acheter une vie", éditions Chambon, 2008
  7. Voir par exemple Paul Jorion, "L'Implosion. La finance contre l'économie : ce qu'annonce et révèle la crise des subprimes", 2008, Fayard
  8. Voir par exemple les deux ouvrages de l'historien Maurice Sartre, "Le Haut-Empire romain : les provinces de Méditerranée orientale d’Auguste aux Sévères", Seuil, 1997, ISBN 978-2020281539 et "La Méditerranée antique : IIIe siècle av. J.-C./IIIe siècle", Paris, 190 pages, Armand Colin, 1997
  9. par exemple, les traités bilatéraux entre européens signés entre 1850 et 1870
  10. On compte 100 millions de migrants à la fin du 19ème siècle, même si tous ne sont pas "volontaires", migrant pour des raisons économiques.
  11. A la veille de la Première guerre mondiale, les échanges extérieurs se montent à 15milliards pour la France, 25 milliards pour l’Allemagne et 35 milliards pour l’Angleterre
  12. John Meynard Keynes peut alors affirmer : « L’internationalisation de la vie économique était alors à peu près complète ».
  13. Le commerce mondial a dépassé les 600 milliards de dollars en 1995
  14. Par exemple, sommet de Québec en avril 2001, le G8 de Gênes en juin 2002, implantation dans des lieux isolés comme l’OMC à Doha en novembre 2001, G8 dans les Montagnes rocheuses ou le forum de Davos qui se déroule à New-York en 2002.
  15. Pour la France, ATTAC, la confédération paysanne de José Bové
  16. Jean-Michel Gaillard, "Revue L’Histoire", novembre 2002
  17. L’ancien directeur du FMI Michel Camdessus eut ce constat amer dans Le Monde du 21 juin 2000 : « J’avais l’illusion que je pourrais être architecte ; or j’ai été seulement pompier. […] Le FMI joue un rôle sans véritable légitimité démocratique et dans un concert des nations qui sont d’accord sur très peu de choses. »
  18. Les États-Unis représentaient 40% du PIB mondial en 1955 contre 25% en 2002.
  19. Par exemple, augmentation de 30% des droits de douane sur l’acier en mars 2002
  20. Les habits neufs du complot mondial, dossier L’Histoire, Novembre 2002
  21. « Phebol verra Thélème, les Islandais et Groenlandais boiront dans l’Euphrate… » Le Tiers-Livre, LI
  22. Soliman le Magnifique a conquis les côtes orientales et méridionales de la Méditerranée
  23. L’Europe passe de 60 millions d’habitants en 1500 à 80 millions un siècle plus tard
  24. Immanuel Wallerstein, Capitalisme et économie-monde, page 158, Flammarion, 1980
  25. Bartolomé de Las Casas Relation de la destruction des Indes (1542)
  26. Serge Gruzinski, La pensée métisse, Fayard, 1999
  27. Le verset 8 du psaume LXXII est très explicite : « Il (le roi-messie) dominera d’une mer sur l’autre et du fleuve aux extrémités de la terre »

Sources bibliographiques

  • Christian Chavagneux, "La mondialisation est-elle irréversible?", Alternatives économiques, Hors-série n° 044 - avril 2000
  • Jean-Michel Gaillard et André Lespagnol, Les Mutations économiques et sociales au XIXe siècle, Paris, Nathan, coll. « université », 1984, 191 p.
  • "Les racines de la mondialisation", Actes de la réunion de travail de l’AGAUREPS-Prométhée du 15 avril 2003
  • Suzanne Berger, " Notre première mondialisation, leçons d'un échec oublié", éditions Le Seuil, Collection La République des Idées, 2007

Bibliographie sélectives

  • Sur la mondialisation Noam Chomsky vidéo
  • Zygmunt Bauman, "Le coût humain de la mondialisation", Hachette, 1999
  • Robert Boyer, "Les mots et les réalités" in "La mondialisation au-delà des mythes" , éditions de La Découverte Paris 2000
  • Joël Cornette, "Les Crises du capitalisme',du krack de la tulipe à la récession mondiale", Perrin, Tempus, 2010, "La mélancolie du pouvoir"", Fayard, 1998 et "La monarchie entre Renaissance et Révolution", Le Seuil, 2000 - Voir aussi Présentation
  • Jean-Michel Gaillard et André Lespagnol, Les Mutations économiques et sociales au XIXe siècle, Paris, Nathan, coll. « université », 1984, 191 p., Jean-Michel gaillard, Anthony Rowley, "Histoire du continent européen", Le Seuil, 1998, réédition Points-Histoire, 2002
  • Marcel Gauchet, Pierre Nora, "De quoi l'avenir intellectuel sera-t-il fait", Gallimard (Le débat), 2010, La démocratie contre elle-même, Gallimard, 2002 - Voir aussi Présentation
  • Maurice Sartre, "Le Haut-Empire romain", Le Seuil, 1997, "d’Alexandre à Zénobie", Fayard 2001

Voir aussi

  • J. Adda, "La mondialisation de l’économie", La Découverte, 1996
  • C. Buhour, "Le commerce international du GATT à l’OMC", Le Monde éditions, 1996
  • D. Cohen, "Richesse du monde, pauvreté des nations", Flammarion, 1997
  • J. Stiglitz, "La grande désillusion", Fayard, 2002
  • "La fin de l’impérialisme culturel américain ?", Le Débat n°119, 2002

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22/11/2013
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Sauveurs et hommes providentiels

Les hommes providentiels dans notre histoire

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La notion de Sauveur dans l'histoire récente

 

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Le général de Gaulle aux Champs élysées     De Gaulle en Saint-cyrien en 1910

 

La notion de "sauveur" revient souvent, récurrente quand la France connaît une période difficile pour des raisons politiques en cas de danger, conflit déclaré, de guerre ou quand l'économie provoque des problèmes tels qu'ils ont des répercussions sur le politique et le social. La tendance est alors de se tourner vers " des hommes providentiels", comme Bonaparte pour réguler les désordres d'un Directoire incapable de faire face à la situation, Léon Gambetta ramassant les débris de l'Empire après Sedan et la défaite militaire, Geoges Clémenceau, le Père la Victoire, Le Tigre, titres évocateurs qui traduisent son rôle essentiel dans la dernière phase de la Première guerre mondiale, de Gaulle bien sûr, deux fois sauveur, relevant l'honneur perdu de la IIIème république après le désastre militaire de mai 1940, puis liquidant la IVème république perdue, empêtrée dans la décolonisation et la guerre en Algérie, hommes providentiels pour les exemples les plus récents et les plus symptomatiques.[1]

 

Sauveur & homme providentiel
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Les hommes et les institutions
Le jeu des institutions
Mythes et réalité
Profil de l'homme providence
Mécanismes d'autonomie et de fusion '

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Il peut prendre aussi une posture plus réservée, comme l'ancien président de la IIIème République Gaston Doumergue, appelé en catastrophe après "l'insurrection" du 6 février 1934 et l'activisme des Ligues de droite ou Pierre Mendès-France pour répondre aux soubresauts de la décolonisation et de la défaite militaire en Indochine. Ce sont surtout les économistes à qui incombe la rude tâche de prendre des décisions difficiles et désagréables, sous la IVème République par exemple, toujours sujette aux difficultés économiques, ne serait-ce que pour financer les guerres coloniales, avec Antoine Pinay, "l'homme au chapeau mou" maire de Saint-Chamond et "sauveur" du franc à deux reprises, comme le sera dans une moindre mesure un Jacques Rueff dans les années 1958-60, avec Jacques Delors après l'arrivée au pouvoir de la Gauche en 1983-84, pour faire face aux dures contraintes économiques et à la dévaluation.

 

Les hommes et les institutions

Appel et réticences sont inséparables quand un homme représente "LA" solution mais qu'en même temps naissent des arrière-pensées de prise de pouvoir, comme dans la réplique célèbre du général de Gaulle qui, levant ses bras immenses, assurait que jamais ne lui était venue à l'esprit l'idée de « vouloir commencer sur le tard une "carrière de dictateur" », répondant ainsi à ceux qui craignaient "un pouvoir personnel discrétionnaire" et le virent ensuite se profiler dans "les pleins pouvoirs" définis par l'article 16 de la Constitution de 1958. C'est ainsi que Maurice Barrès a pu écrire : « Il faut toujours une traduction politique aux sentiments des ­Français, qui ne peuvent rien éprouver sans l'incarner dans un homme. » Contradiction entre un cartésianisme déclaré et les ressorts d'une geste nationale qui n'a rien perdu de sa vigueur depuis que s'est imposée une tradition républicaine qui n'a pas réussi à effacer de la mémoire collective ce besoin latent de "l'homme de réserve" -même en réserve de la République- qui rappelle une monarchie de droit divin "réincarnée" dans l'État jacobin.

 

Mais cet "homme providentiel" n'est pas seulement l'expression des carences de la démocratie et la question est d'autant plus complexe que des hommes qu'on aurait pu penser comme tels à un moment donné de notre histoire, ont rapidement disparu de la scène politique, parce qu'ils n'avaient sans doute pas l'aura nécessaire pour assumer ce rôle comme le général Boulanger en 1888-89, qui s'enfuira misérablement à Bruxelles ou Gaston Doumergue en 1934 qui ne sut pas utiliser l'immense espérance qu'il portait, parce qu'aussi l'époque ne s'y prêtait pas comme un Alexandre Millerand en 1923 précipitant les choses, et qu'il fallait l'habileté politique d'un Raymond Poincaré, qui attendit son heure, que la situation soit mûre après les revers économiques du gouvernement d'Édouard Herriot. D'autres sont jugés selon les aléas de l'histoire, souvent en décalage avec la situation réelle, les retournements dont l'histoire a le secret et les sentiments que nourrit le peuple à leur égard.

 

Philippe Pétain représente à cet égard un cas d'école, sauveur redonnant confiance à l'armée après les errements de la période Nivelle, de nouveau "sauveur" en 1940 après le désastre militaire, il perd une grande partie de son crédit lors de l'invasion de la "zone libre" en novembre 1942 et finira misérable, prisonnier à l'île d'Yeux après son procès et sa grâce. Il avait dilapidé son crédit en ne "sentant" pas les évolutions, trop militaire sans doute et pas assez "animal politique" qui possède cette "fortuna" dont parle Machiavel. Les époques tourmentées se prêtent bien à l'émergence d'un sauveur et celle que nous vivons actuellement, largement touchée par la crise du libéralisme mondial, n'échappe pas à la règle, à la recherche de la perle rare qui sortira la baguette magique de la croissance, qui redonnera confiance aux Français.

 

Le jeu des institutions

Dans des institutions de "régime d'assemblée" qui rendent le pouvoir politique plus instable dans la mesure où les majorités sont plus difficiles à se dessiner, les hommes ont d'autant plus d'importance, même si leur rôle est plus délicat, plus difficile dans la gestion du quotidien. Pierre Mendès France apparaît à cet égard comme le symbole de cette situation, incarnation du courage en politique, stature qu'il acquit malgré son bref passage au pouvoir comme président du conseil en 1954-1955. Il tint ce langage de courage que la situation exigeait et que les Français attendaient, tout en étant limité dans ses actions par la faiblesse même de l'exécutif. On pouvait penser que le général De Gaulle ayant renforcé considérablement les pouvoirs de l'exécutif dans la constitution de 1958, l'ombre portée de l'homme providentiel diminuerait après lui. Mais rien ne changea réellement, peut-être parce que son charisme se ternit d'abord lors des accords d'Évian en 1962, au moins pour une partie de la population, puis lors des événements de mai 68 où pendant un court laps de temps Pierre Mendès France lui vola la vedette et où le pays ressentit un certain flottement au niveau le plus haut de l'État. Georges Pompidou le compris bien, qui se plaça "en réserve de la république", quitte à heurter la susceptibilité du général et à choquer le parti majoritaire qui le lui fit payer. [2]

 

Mythes et réalité

Aucun n'équivalent n'existe en Grande-Bretagne où même Winston Churchill, tout à sa gloire de grand vainqueur dans le Second conflit mondial, ne connût une telle légitimité et fut battu aux élections par le Parti travailliste de Clement Attlee le 26 juillet 1945, ou en Allemagne où le souvenir du IIIe Reich sert largement de repoussoir à toute tentative de pouvoir . En France, la République a toujours des airs de "pouvoir régalien" hérité de l'ancien régime, une relation conflictuelle au pouvoir qui interdit toute coalition entre les partis comme on a pu le voir un moment pendant la Première guerre mondiale, avec le rapprochement des deux hommes Raymond Poincaré et Georges Clémenceau, représentant la droite et la gauche. Des sujets sensibles comme l'enseignement et la laïcité, relations focalisées et figées par la loi de 1905 par exemple, semblent empêcher tout rapprochement entre des forces politiques qui campent sur leurs positions.

 

La dualité d'une succession au pouvoir de la droite et de la gauche, parfois dans des gouvernements de cohabitation, a sans doute occulté ce phénomène depuis 1981 et l'arrivée de la gauche au pouvoir, le "héraut" de chaque camp, François Mitterrand et Lionel Jospin d'un côté, Edouard Balladur et Jacques Chirac de l'autre, jouant ce rôle de cristallisation des espoirs et des rejets symbolisés par celui qui "porte les couleurs" de son camp. Cependant, cette recherche-réflexe de l'homme providentiel renaît à la moindre incertitude, quand aucun candidat ne s'impose vraiment, comme cet appel en 1995 à l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, qu'il déclina finalement, sans doute lucide et gêné par le rôle qu'on voulait le faire jouer, au grand dam de nombreux militants socialistes, et dans une moindre mesure deux hommes ports par les sondages, Nicolas Sarkozy en 2007 et Dominique Strauss-Kahn, jusqu'au printemps 2011, étant "éloigné" de la France et des querelles des appareils politiques, et bénéficiant d'une réputation d'expert économique en pleine crise.

 

La Ve République a plutôt institutionnalisé le phénomène en l'intégrant , l'a banalisé en quelque sorte avec l'élection présidentielle au suffrage universel, laissant deux candidats face à face au deuxième tour. Ce pare-feu constitutionnel instauré en 1962 aura beaucoup de mal à résister à une grave crise dont on ne peut saisir ni la durée ni l'acuité mais pourrait toucher directement les institutions comme le passage à l'État français en 1940. [3] L'article 16 de la Constitution sur "les pleins pouvoirs" [4] se veut réponse ponctuelle à des situations de crise limitées dans le temps[5] Depuis 1958, cet article n’a été appliqué qu’une seule fois lors de la crise dite du « putsch des Généraux » à Alger en 1961, lors d'une tentative de coup d'état dirigée par de hauts dignitaires de l'armée, du 23 avril au 29 septembre 1961. On lui reproche essentiellement d'être une décision discrétionnaire du chef de l'état qui en apprécie seul les modalités et l'étendue. [6]

 

Profil et manifestations de l'homme providence

L'analyse que propose Jean Guarrigues [7] repose sur quatre critères représentatifs d'un type d'homme providentiel : principe, circonstances, image, technique et postérité. Pour ne retenir qu'un exemple, Philippe Pétain en mai-juin 1940 apparaît comme le sauveur, le "vainqueur de Verdun" seul capable de restaurer une France vacillante, un "rédempteur" qui fera surgir du chaos de quoi expier les fautes et restaurer alors l'ordre à travers l'État français. Les circonstances bien sûr s'y prêtent : après avoir été en 1936 le champion des droites conservatrices à même de juguler les périls intérieurs, , il obtient les "pleins pouvoirs" du parlement retiré à Vichy après la débâcle militaire. Il est au faîte de sa gloire, le soldat à la Bonaparte, capable de restaurer le moral de l'armée en 1917 comme celui de la nation en 1940, l'homme politique pondéré du type Adolphe Thiers, rassembleur autour de la IIIème république. Sa technique est basée sur un paternalisme bon enfant situé entre la pratique bonapartiste du bain de foule et "l'inauguration des chrysanthèmes" chère aux présidents de la IIIème république. Quant à sa postérité, on sait ce qu'il en advint, Pétain ayant dilapidé son capital confiance en poussant la collaboration avec l'Allemagne jusqu'à sa logique ultime qui le mena à Sigmaringen et à sa condamnation comme traître à la nation, ce qui était pour lui la pire des injures.

 

On pourrait faire le même type d'analyse avec d'autres "rédempteurs" comme Bonaparte et son neveu Louis-Napoléon, des "rénovateurs" comme Léon Gambetta, Georges Clémenceau, Pierre Mendès-France ou le général de Gaulle, certains plus marqués que d'autres par le recours au patriotisme ou des "protecteurs" moins charismatiques, intervenant souvent dans des périodes moins sensibles, comme Adolphe Tiers, l'Orléaniste qui se méfiait du peuple, Gaston Doumergue, le bon président au-dessus des paris ou les économistes "restaurateurs du franc" Raymond Poincaré et Antoine Pinay.

 

Le 14 janvier 2007, Nicolas Sarkozy lance sa campagne présidentielle basée sur trois ingrédients représentatifs de cette figure tutélaire : une personnalisation poussée à l'extrême, un discours de rupture avec la période précédente et un recours très large voire systématique à la "corde sensible", au registre émotionnel. Dans la typologie proposée par Jean Garrigues : des "pères tranquilles" tels Poincaré ou Doumergue en passant par les "figures de proue", type Charles de Gaulle, [8] les "protecteurs" plutôt effacés et efficaces rappelant Antoine Pinay, ou les "rédempteurs" à la Louis-Napoléon Bonaparte, Nicolas Sarkozy, dominé par l'hyperactivité, l'ambition et un discours de type populiste, se placerait plutôt comme rédempteur-sauveur selon les aléas de la conjoncture. Certains se sont imposés, portés par une situation qui correspondait à leur profil, d'autres sont rentrés assez rapidement dans l'anonymat et quelques uns comme Jacques Delors ont refusé de s'inscrire dans cette logique.

 

Dans son livre intitulé "Jeanne d'Arc et le mythe du sauveur", l'ancien Premier ministre Edouard Balladur voyait dans les évolutions récentes des signes de disparition de l'homme providentiel, dépassé par des formes de médiatisation qui banalisent l'individu, l'accélération des événements, y compris de la vie politique, qui rend toute gloire éphémère. Mais cette tendance paraît chevillée au cœur des Français, des candidats à l'élection présidentielle de 2007 présentés dans les stéréotypes de Ségolène-Jeanne d'Arc et Sarkozy-Bonaparte.

 

Mécanismes d'autonomie et de fusion

 

Dans son ouvrage Mythes et mythologies politiques, l’historien Raoul Girardet développe la notion de mythe du sauveur à travers l'histoire, analyse transversale destinée à faire ressortir les invariants de cette notion. Il s'appuie sur deux exemples, le premier sur le cas (la personnalité), d’Antoine Pinay, « héros de la normalité », homme d'ordre et d'abord de l'ordre économique qui prime sur tous les autres, le second est Tête d'Or, personnage imaginé par Paul Claudel qui, au contraire du précédent, rejetant toutes les valeurs sociales, connaîtra la gloire avant de chuter, incarnant quelques que soient leurs différences, un destin collectif.

 

Les modèles antiques qu'il propose est d'abord Cincinnatus, consul mais aussi dictateur au sens romain du terme, [9] homme d'expérience à la de Gaulle, qui s'est retiré sur ses terres et qu'on rappelle quand la patrie est en danger, Alexandre le Grand, immense capitaine auréolé de la gloire des lauriers acquis sur les champs de bataille, gloire superbe autant qu'éphémère qui se retrouve aussi bien en Napoléon qu'en Tête d'Or. Il évoque ensuite Solon, [10] le sage par excellence, le père de la démocratie athénienne, membre des Dix-sept Sages de la Grèce et termine par la figure du prophète Moïse, le "guide suprême" qui possède la vision de l'avenir.

 

Le héros possède une vie propre, une biographie mais aussi une légende tirée d'une lecture de sa biographie, reprise par des disciples, des "fans" dirait-on maintenant au XXIème siècle, l'homme providentiel naissant à un moment donné de l'histoire, de la conjonction entre mythe et réalité. Sa postérité se construit à partir de ces images, fantasmagorie d'autant plus prégnante que la légende s'est au fil des années cristallisée dans le réel de sa vie, au point qu'il devient parfois difficile de faire la part des choses. Au-delà de ce façonnage, le temps se charge de faire le tri de ceux qui resteront des références, filiation aux idées, aux prises de positions, à la vie et aux postures idéologiques de ceux qui servent de lien, de ciment à leurs descendants spirituels et aux espoirs qu'ils suscitent toujours. Les socialistes par exemple, recherchent une permanence de leur action dans la vie (exemplaire) et les écrits de Jean Jaurès ou de Léon Blum comme autant de jalons nécessaires qui légitiment leur action.

 

Les projections associées reposent souvent sur des images figeant l'homme providentiel dans sa postérité, une qualification qui frappe par l'image qu'elle suscite, L'incorruptible pour Robespierre ou Le Tigre pour Clémenceau par exemple. L'homme choisi se trouve ainsi investi des valeurs quasi éternelles qu'il porte et lui donne une aura particulière, parfois assez loin de son personnage. La mutation du réel au mythe est une transcendance du relatif à l'absolu. L'émergence d'un sauveur dépend d'abord des attentes latentes d'une société donnée mais aussi (et surtout) à un moment de son histoire, marqué par une défiance vis-à-vis de la légitimité des institutions et des hommes qui les incarnent, évoluant vers une crise d'identité, une déstabilisation de l'inconscient collectif. Le corps social ainsi confronté à un réel déprimant doit alors rechercher un autre support idéologique dans lequel il pourra se retrouver.
"Levez-vous, orages désirés", aurait dit le vicomte de Chateaubriand, appelant de ses vœux le sauveur d'une patrie mise au ban de l'Europe après Waterloo en 1815.

 

Bibliographie

  • "L'homme providentiel est-il une femme ?' La figure de Jeanne d'Arc de 1789 à nos jours, Parlement(s), Revue d'histoire politique 2010/1
  • "Le Nœud gordien", Georges Pompidou, éditions Plon, 204 pages, 1974, réédition chez Flammarion en 1992, isbn 2080646702
  • "Jeanne d'Arc et le mythe du sauveur", Édouard Balladur, éditions Fayard, 2003, 227 pages, isbn 2213615675
  • "Mythes et mythologies politiques", Raoul Girardet, 1986 : [1]

Notes et références

  1. Voir l'analyse de Jean Garrigues dans son ouvrage "Les hommes providentiels. Histoire d'une fascination française", Éditions du Seuil, 2012
  2. Voir en particulier la cabale montée de toute pièce pour impliquer sa femme dans un scandale de mœurs.
  3. Dans son essai "Le Nœud gordien", Georges Pompidou estime que la complexification de la société est devenue telle qu'il faudra bien trancher le "nœud gordien" : « Il s'agit de savoir si ce sera en imposant une discipline démocratique garante des libertés ou si quelque homme fort et casqué tirera l'épée comme Alexandre, » ajoutant que « le fascisme n'est pas si improbable ; il est même, je crois, plus près de nous que le totalitarisme communiste. »
  4. À cet égard, le Conseil d'État parle de pouvoirs exceptionnels
  5. Dans son arrêt Rubin de Servens du 2 mars 19621, le Conseil d'État précise que la décision de mettre en œuvre les pouvoirs exceptionnels est « un acte de gouvernement dont il n'appartient pas au Conseil d'État d'apprécier la légalité ni de contrôler la durée d'application ».
  6. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a complété l'article par un alinéa donnant au Conseil constitutionnel la possibilité d'examiner, au bout de trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, si les conditions ayant donné lieu à leur mise en œuvre sont toujours réunies.
  7. Jean Garrigues, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, est professeur d'histoire contemporaine à l'université d'Orléans et président du Comité d'histoire parlementaire et politique. Parmi ses publication, on peut retenir Le Général Boulanger (Perrin, 1999), La France de la Ve République. 1958-2008 (Armand Colin, 2008) et Les Patrons et la Politique, 150 ans de liaisons dangereuses (Perrin, 2011).
  8. Considérés comme de "grands sauveurs" de la patrie rappelant l'épopée de Jeanne d'Arc (curieusement (ou symboliquement) le général de Gaulle alla s'installer dans sa Haute-Marne natale pas très loin de Domrémy
  9. Le dictateur est dans la République romaine antique, un magistrat extraordinaire détenant les pleins pouvoirs (Imperium), nommé pour six mois pour faire faire à une situation extraordinaire.
  10. « Solon, semble-t-il, tout en se gardant d'abolir les institutions qui existaient auparavant, telles que le Conseil (de l'Aréopage) et l'élection des magistrats, a réellement fondé la démocratie en composant les tribunaux de juges pris parmi tous les citoyens. Aussi lui adresse-t-on parfois de vives critiques, comme ayant détruit l'élément non démocratique du gouvernement, en attribuant l'autorité suprême aux tribunaux dont les membres sont tirés au sort » Aristote

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22/11/2013
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Jean Teulé et l'histoire

JEAN TEULÉ et l'histoire : CHARLY 9 et Le Montespan

 

Voir aussi l'article Jean Teulé "Fleur de tonnerre"

Charly 9, le roi Charles IX

Toujours dans le domaine historique, après son "Monsieur de Montespan", et son bras de fer avec ce roi qui mettait dans son lit tous les tendrons du royaume selon son bon vouloir, il s'occupe dans ce roman du sort du roi Charles IX, troisième fils du roi Henri II, 'fin de race' de la dynastie des Valois qui se meurt dans le sang de la Saint-Barthélémy et les fureurs de la guerre civile et religieuse.

 

« Le doux Charly 9 hallucine, blasphème, délire. Il se gorge de sang, cogne sa sœur, cette putain de Margot, fornique comme un dingue... » écrit Marie-Françoise Leclère dans Le Point, reprenant les termes de Jean Teulé. Ce roi n'a pourtant pas inscrit son nom dans l'histoire sinon d'avoir été manipulé lors du déclenchement du massacre de la Saint-Barthélémy le 24 août 1572 et mourra deux ans plus tard à l'âge de 23 ans.

 

Il faut dire qu'il n'est pas vraiment aidé par sa famille, une mère castratrice qui veut le pouvoir et lui préfère son frère Henri, le futur Henri III, son frère aîné, débile qui n'a occupé de trône que quelques mois avant de succomber, sa sœur Margot, nymphomane réputée... un roi entouré de fanatiques dans le sillage des Guise, qui prend le tournis entre les Ultras, la politique sinueuse de sa mère, les complots menés par un autre frère qui mourra avant de régner... un environnement bien trop lourd pour ses frêles épaules.

 

Son esprit ne survivra pas au massacre qu'il couvrit de son manteau royal, lui qui avait pourtant in fine tenté d'arrêter la tuerie, lui qui avait une si charmante épouse Élisabeth d'Autriche et qui offrait du muguet aux gentes dames de la cour et qui est à l'origine de cette charmante fête du 1er mai.

 

                  Charly 9 et Le Montespan

Le Montespan

Au temps de Louis XIV le Roi-Soleil, que sa femme soit choie et distinguée par le roi était source de gloire et de profits. C'est ce qui arriva à Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan que l'on jalousa de sa bonne fortune. C'était mal le connaître et louis-Henri, sourcilleux et gascon de surcroît, ne l'entendit pas de cette oreille. Il se permit, chose impensable à la cour, d'orner son carrosse d'énormes cornes -symboles du cocu comme chacun sait- et de guerroyer avec la monarchie absolue, refusant avantages de toutes sortes attachés au rôle de cocu royal.

 

Mal lui en prit car il essuya bon nombre d'avanies, prison, ruine ou même tentatives d’assassinat, mais poursuivit néanmoins de sa vindicte un roi soleil qui ne pouvait supporter pareil affront, étant lui-même fort amouraché de la belle et sublime Athénaïs.

Infos complémentaires

Voir aussi
- Jean-Christian Petitfils, Madame de Montespan, Paris, Fayard, 1988
- Louis Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan

Ouvrages de référence

  • Jean Teulé, Charly 9, éditions Julliard, 2011, 230 pages, isbn 2260018246
  • Jean Teulé, Le Montespan, éditions Julliard, 2008, Grand Prix Palatine du roman historique, prix Maison de la Presse 2008, 310 pages

Bibliographie sélective

  • Le Magasin des suicides, éditions Julliard, 2007
  • Mangez-le si vous voulez, Julliard, 2009

Liens externes : Interview de Jean Teulé

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22/11/2013
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