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La réaction thermidorienne à Lyon

La réaction thermidorienne à Lyon, centrée sur l'année 1795 est un ouvrage historique écrit par l'historienne Renée Fuoc.

                     

                                                                        Buste de Marie Joseph Chalier, musée de Vizille (38)

 

Référence : Renée Fuoc, "La réaction thermidorienne à Lyon", éditions Lac, 1957, 224 pages, ISBN : 2-85792-018-0

 

L'intérêt de cet ouvrage, écrit d'un style précis, tient d'abord au souci de l'auteure de cerner les faits au plus près en exploitant documents et sources originales. Il est centré sur le massacre des prisons de Lyon le 15 floréal an III et les prémices de ce terrible épisode constellés de multiples attentats survenus dans les semaines précédentes et dirigés contre les Jacobins finalement vaincus de Lyon après plusieurs rebondissements, ceux qu'on appelait souvent les "mathevons".

Renée Fuoc (1929-1955) [1] s’interroge aussi sur les réseaux royalistes dont les ramifications s'étendent jusqu'en Suisse et le Piémont, jusqu'aux Compagnies qui sillonnaient le midi de la France. Elle aborde la question de leurs agents et ins­tructeurs, révélant l'importance de la 'dias­pora anti-révolutionnaire lyonnaise'.

 

Situation bien embrouillée et précaire que celle de Lyon en 1795, comme le note le député girondin Paul Cadroy dans ses Mémoires. Le 14 floréal (3 mai), un arrêté l'envoie à Lyon, où il laisse, deux jours plus tard, lors du déclenchement de la Terreur blanche, la foule extraire les Jacobins de leurs prisons pour les égorger.

     Jean-Baptiste Louvet de Couvray

 

Tentant d'atténuer la portée de cet événement, il se défend ainsi : « Un grand crime a été commis, et nous en gémissons et nous cherchons les vrais coupables... Mais pourquoi publier dans toute la France que les patriotes sont égorgés à Lyon ? Puisque la loi n'avait pas prononcé sur le sort des victimes, ce n'est pas à nous à attester leur crime. Écoutez l'opinion qui rarement se trompe quand elle n'est pas égarée par des passions étrangères. Les hommes qui sont morts dans les prisons avaient versé dans cette commune la désolation et le deuil. Les citoyens égorgés à milliers, les maisons démolies, les artisans, les ouvriers, les commerçants mitraillés en masse, la probité bannie, toutes les familles dispersées ; quatorze millions dépensés pour la destruction des édifices... voilà les hauts faits que l'accusation universelle attribue aux ministres de Collot, de Couthon... Nous n'avons donc pas à pleurer des patriotes ; mais nous pleurons sur la violation de la loi... » [2]

 

Le soulèvement de Lyon se produit dans un contexte économique défavorable suscitant des conflits sociaux et excitant les passions de deux camps opposés, les élites royalistes autour d'Imbert-Colomès, et les "patriotes" autour de Roland.  Le 9 mars 1793, l'arrivée à la mairie de Bertrand, l'ami de Chalier, va précipiter les choses. L'espèce de "commune populaire" mise en place par Chalier va engendrer une contre-réaction de la bourgeoisie lyonnaise. La chute de Joseph Chalier et de ses amis débouche alors sur la volonté de la Convention de réduire ce mouvement puis sur le siège de la ville, signe d'une véritable guerre civile. La répression sera à la hauteur de l'événement puisque Lyon débaptisée, ainsi que des places et des rues,  devient Ville-Affranchie. Le quartier Bellecour devient le Canton de la Fédération ou Canton Égalité, la place Bellecour est renommée place de la Fédération ou place de l'Égalité, le quartier de La Croix-Rousse est transformée en Commune-Chalier, le quartier de l'Hôtel-Dieu devient Canton-sans-Culotte... [3]

 

Le développement de la terreur blanche

 

Mais Au printemps 1795, renversement de situation après la chute de la Convention remplacée par le Directoire, la Terreur blanche s'abat à son tour sur la ville, dirigée contre les "terroristes". Les Jacobins, confrontés à l'hostilité de certains républicains et des royalistes, et le peuple touché par la disette se révoltent mais finissent par échouer.

 

                   
Massacre dans les prisons de Lyon,                        Fouché, "le mitrailleur de Lyon"
gravure d'Auguste Raffet 1823

 

Profitant de la réaction thermidorienne, les royalistes poussent à la vengeance, dans la vallée du Rhône, contre les anciens Jacobins, particulièrement des militants sans-culottes, appelés  « Mathevons » à Lyon, d'où le terme de « mathevonnade », les traquent en groupe, surtout en soirée ou durant la nuit et les bastonnent. Le basculement a lieu le 26 pluviôse (14 février) avec le massacre de Joseph Fernex, ancien membre de la commission révolutionnaire lyonnaise, battu à mort par la foule et jeté dans le Rhône lors d'un transfert. L'absence de poursuite est considérée comme une approbation tacite du meurtre et permet tous les débordements. Lyon connaît de nouvelles violences les 15, 16 et 17 floréal (4-6 mai) où une quarantaine de personnes forcent les prisons et égorgent une centaine de détenus.

 

À Lyon, l'agent anglais Wickham, installé en Suisse, établit dans la ville une agence de propagande qui recrute des contre-révolutionnaires, comme Imbert-Colomès ou le « marquis » de Bésignan, et prépare une nouvelle insurrection avec Précy. Les détachements royalistes des Compagnies de Jésus et du Soleil, pourchassent et massacrent jacobins, républicains, prêtres constitutionnels, protestants (pour des raisons socio-économiques et politiques autant que religieuses), détenus politiques des prisons dans toute la région, Lyon étant considérée comme le centre opérationnel de ces actions.

   Compagnies du Soleil en 1795 (cabinet des estampes)

 

La Terreur blanche se développe surtout dans la vallée du Rhône et le sud du pays, ce qui s'explique par les antagonismes socio-politiques dans des villes comme Toulon et Lyon, où s'opposent fabricants en soie et ouvriers lyonnais, les canuts. Le gros des troupes royalistes est constitué, à Lyon, de nobles, de prêtres ou d'aventuriers étrangers à la ville, réfugiés ou arrivés clandestinement de l'étranger, les journées insurrectionnelles parisiennes augmentant la peur et faisant craindre une nouvelle flambée jacobine. À Lyon, la Terreur blanche se prolonge, avec son cortège de violences, d'assassinats collectifs d'anciens responsables terroristes lyonnais et d'éliminations de dénonciateurs suite à la publication de la Liste générale des dénonciateurs et des dénoncés de la ville de Lyon en , jusqu'à la mise en état de siège de la ville en .

 Les Muscadins, groupes réactionnaires qui sèment la peur dans les villes

 

Réaction aux menées royalistes

 Après l'échec des coupes de mains royalistes, débarquement manqué des émigrés à Quiberon en juin-, insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (), la Convention cherche une voie de sortie.

Le 24 juin, les Lyonnais sont sommés de rendre leurs armes, de chasser les étrangers et de livrer émigrés et assassins, sous la menace des 12 000 hommes commandés par Kellermann. C'est l'apaisement : les officiers jacobins destitués sont réintégrés dans l'armée, les poursuites contre les Montagnards sont arrêtées, (décret du 13 octobre) une amnistie générale « pour les faits proprement relatifs à la Révolution » est votée le . Mais après la découverte de la conjuration des Égaux, en le Directoire ne cessant dorénavant d'osciller entre lutter contre les royalistes et contre les jacobins.

 

Notes et références

[1] Sa vie devait prématurément s'arrêter lors d'un accident de montagne

[2] Couthon fut guillotiné comme "robespierriste" à la chute de la Convention et Collot d'Herbois déporté en Guyane

[3] La « Commission extraordinaire » qui a statué, a dénombré 1 684 exécutions, 1 682 acquittements et 162 condamnés à la détention.

 

Voir aussi

  • Les thermidoriens à Lyon
  • Claude Riffaterre, Le Mouvement antijacobin et antiparisien à Lyon et dans le Rhône-et-Loire en 1793. 29 mai-15 août, Annales de la Faculté des Lettres de Lyon, réédition, Megariotis, 1979, 2 volumes, 490 et 682 pages.
  • Édouard Herriot, Lyon n'est plus, 4 volumes (« Jacobins et Modérés », « Le Siège », « La Réaction », « La Répression »), Paris, Hachette, 1937-1940.

    <<< Christian Broussas – Lyon 1795 - maj 11/02/2014 - << © • cjb • © >>>



11/02/2014
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